La Révolution avait bien le désir d’œuvrer pour l’éducation, l’instruction des enfants, mais elle n’en a pas eu le temps ,trop à faire. Elle laissa aux communes l’initiative et la mise en place de cette charge . Et malgré les mesures prises par la Révolution contre les Congrégations religieuses, ce sont elles qui continuent encore à assurer cette mission.
Le Consulat, en 1802, marque la volonté de Napoléon-Bonaparte d’instituer un monopole d’État de l’Instruction pour mettre à distance les congrégations, sans toutefois les interdire .
Trois grandes catégories sont créées :
-Les écoles primaires
-Les écoles secondaires
-Les universités
En fait ,il faudra attendre 1816 mais surtout 1833 avec la Loi Guizot pour voir l’enseignement organisé au niveau national :
-toute commune de plus de 500 habitants doit avoir au moins une école primaire ,
-création des écoles primaires supérieures,
-création des Ecoles Normales pour la formation des instituteurs qui délivrent
un Brevet de Capacité d’Enseignement auquel il faut ajouter un certificat de moralité.
La loi prévoit d’aider les communes à aménager les écoles avec cour, préau , jardin et lieux d’aisance. Elle promet aussi de fournir du matériel collectif et individuel pour les enfants.
Le ministre F.Guizot a essayé de faire voter sa loi pour filles et garçons mais le gouvernement et les députés ont refusé . Le texte concerne donc uniquement les garçons; l’instruction des filles est laissée au bon vouloir des communes. De toutes façons, à la fin, ce sont les parents qui décident d’envoyer ou non leurs enfants à l’école.
A Noisy-le-Sec
Notre ville n’a pas attendu 1833.
Une première école remonterait à 1804, d’après un délibéré municipal de 1812 où un instituteur, M Trouet, perçoit depuis 1804, un dédommagement pour son loyer de 140 francs, devenu 100 francs depuis son mariage avec l’institutrice !
Cette école est, en fait, le logement de l’instituteur, puis du couple, au pied de l’église. M. Trouet sonne tous les matins les cloches de l’église.
A cette époque, il faut noter qu’il n’y a pas non plus de mairie, les réunions se déroulent au domicile du maire. Il faudra attendre 1846 pour avoir une vraie mairie.
En 1833, après la loi (dont on vient de parler) une ordonnance royale veut obliger les communes à mettre en place des maisons d’école en toute propriété avec une aide éventuelle du département.
Le maire de Noisy, M Dumousseau informe les autorités que sa ville ajourne provisoirement la construction d’une école : trop de dépenses en plus d’une mairie.
La municipalité paie déjà le loyer annuel de l’instituteur.
En 1834, M Dumousseau très intéressé par les questions d’éducation instaure un Programme des Ecoles à Noisy. Nous sommes toujours au pied de l’église, dans l’école primitive des époux Trouet ou plus précisément celle de Mme Trouet ,veuve depuis 6 ans. Elle loue l’autre moitié de l’école à l’instituteur remplaçant de son mari. On a donc toujours 2 classes : une de filles et une de garçons. L’école n’est pas gratuite, les parents paient environ 1franc par mois par enfant.
Chaque classe est divisée en 3 sections :
-section 1: lecture écriture, calcul, rédaction et récitation
-section 2 : lecture et écriture.
-section3 : initiation à la lecture et à l’ écriture.
M Dumousseau voulait calme et ordre dans l’école mais aussi aux entrées et aux sorties où des « grands sérieux » accompagnaient, bien rangés, les élèves chez leurs parents.
Il y avait cours tous les jours sauf le dimanche, les jours de fêtes et le jeudi après-midi.
Les horaires :
-8h 15 : appel
-8h30 : début des cours jusqu’à 11h.
-13h : reprise jusqu’à 16h.30 ( avec 1/2h. de chant à 16h.pour tous)
Noisy fait des efforts pour les enfants indigents, environ 35, à qui la ville offre la gratuité.
Dans la salle de classe, il ne faut pas imaginer des pupitres où seraient installés les élèves
mais une ou deux grandes tables communes autour desquelles sont assis les enfants.
Le maître ou la maîtresse installé, sur une estrade, les fait venir un par un pour une rapide leçon et
les renvoie à leur place avec des exercices à faire. Un bon élève, et de confiance, surveille et aide les plus faibles
Certes la ville de Noisy, en 1833, ajourne la construction d’une école mais vers 1835-38, elle n’a plus le choix . Le logement de Mme Trouet est vétuste et insalubre et M. Dumousseau décide, en 1838, la construction d’une école en face de l’ancienne, rue de l’Église ( sur une partie de l’ancien cimetière) et rue Cottereau, qui donnera son nom à la nouvelle école.
C’est l’architecte d’arrondissement, Paul-Eugène Lequeux qui élabore les plans.
Paul Eugène Lequeux est également l’architecte de la première mairie (illustration ci-dessus),
ce qui nous donne une idée du style que pouvait avoir cette première école.
En 1843, le transfert des deux classes de chez Mme Trouet au nouveau bâtiment est effectif .
-le bâtiment principal au centre se compose de 2 classes, une pour les filles et l’autre pour les garçons, au rez-de-chaussée. Au-dessus un grenier perdu.
– de chaque côté, deux pavillons dédiés aux logements, au 1er étage l’un pour l’instituteur et l’autre pour l’institutrice, desservis chacun par un escalier . Le rez-de-chaussée donne aussi accès aux salles de classes.
Une cour, un préau,un jardin, des latrines sont aménagés . Dans les parties communes, un gros rideau permet de séparer les filles des garçons, tiré selon la nécessité.
Marie-Augustine Blancheteau (1819-1904)
Revenons un peu en arrière sur une jeune élève de Mme Trouet : Marie-Augustine Budor , jeune-fille sérieuse , qui travaille bien et qui aide la maîtresse dans sa classe. En 1833, elle obtient son brevet de 2e degré mais à 14 ans, elle doit, sûrement à regret, quitter l’école ( l’ancienne car la nouvelle n’est pas encore construite), et part aider ses parents dans leurs activités d’agriculteurs . Elle se marie, en 1838, avec M. Blancheteau.
En 1841, la maîtresse (remplaçante de Mme Trouet, partie à la retraite) tombe malade et Marie-Augustine, sollicitée, accepte de la remplacer. En 1842, munie de son Brevet de Capacité d’Enseignement, elle devient officiellement la première institutrice et la directrice de l’ Ecole des Filles de Cottereau.
Elle gagne 200 francs, tandis que son collègue a 350 francs . Il est difficile de donner des équivalences en euros (la fourchette est large au cours du XIXe siècle du franc à l’euro entre
3 et 15 euros).
Les parents paient une rétribution chaque mois, selon l’âge de leurs enfants :
-1fr pour moins de 5 ans.
-1fr50 de 5 à 10ans.
-2fr de 10 à15 ans.
Cette rétribution vient s’ajouter au salaire des enseignants qui, dans les années 1850
s’élève respectivement à 1400 fr. et à 1600 fr.
Dans les années 50, il y a 40 élèves (filles et garçons) qui bénéficient de la gratuité, d’autant plus que la rétribution des parents passent à 2 fr pour tous . Marie-Augustine, l’institutrice, se fait aider de sa fille Eugénie (qui lui succédera en 1870 quand elle prendra sa retraite).
En 1861 l’école est modifiée. En 1863, les élèves sont trop nombreux et les deux instituteurs demandent des adjoints, ce que la municipalité accepte car elle prendra une partie de la rétribution des parents pour les payer .
En 1862 Eugénie Blancheteau aide sa mère en s’occupant d’une classe d’enfants de moins de 5 ans, appelée classe d’asile très vite surchargée ce qui entraîne la création d’une nouvelle école : l’Ecole Béthisy en 1866 .
En 1868, c’est le Certificat d’Etude Primaire. De nombreuses élèves de Marie-Augustine seront les premières à l’obtenir à Noisy.
En 1871, c’est la gratuité pour tous les petits Noiséens (12 ans avant la loi officielle).
L’école propose aussi des cours pour adultes, payés 300f à l’instituteur qui les assure.
A cette époque ,on arrive à des salaires annuels d’environ 2300 fr pour le maître et 1800 pour la
maîtresse.
En 1874, les garçons quittent l’école et s’installent dans la toute nouvelle école Damas ( rue Damas aujourd’hui Brosselette). l’école Cottereau s’agrandit et c’est maintenant Eugénie Blancheteau la nouvelle directrice et institutrice , à la suite de sa mère, partie à la retraite.
1880, date très importante : La loi générale instituant l’Ecole Laïque, Obligatoire et Gratuite pour tous, est votée.
En 1884, nous avons trouvé un rapport, concernant l’école Cottereau, de la Préfecture de la Seine qui enquête sur l’état des écoles primaires du département,. On y trouve de nombreux détails chiffrés souvent difficilement lisibles, mais on sait qu’il y a 3 classes de filles et 3 institutrices pour 151 élèves dont 4 étrangères, un éclairage suffisant, un chauffage avec des poêles de fonte, 4 lieux d’aisances. pas de vestiaires ni de gymnase mais une bibliothèque de 55 livres et une caisse des écoles.
Melle Blancheteau paraphe le document en concluant ainsi :
« La 2e classe qui occupe l’ancien préau des garçons est insuffisante »
En 1898 , l’école devenue vétuste est détruite et reconstruite.
vue depuis la place de la mairie
Si on regarde l’évolution des budgets consacrés à l’Instruction par la ville de Noisy, on note de constantes et importantes augmentations :
1835 750fr—
1872 8250fr—
1890 S’ajoutent au budget les frais d’achat et d’entretien de fusils scolaires , d’un instructeur militaire et d’un professeur de gymnastique et passe à 12.000fr—
1900 le budget triple et passe à 36.000 fr.
1932 agrandissement de l ‘école Cottereau. Une 10e classe est ouverte.
la cantine dans les années 1940
1944, 18 avril lors du bombardement de Noisy, des écoles subissent des dommages plus ou moins importants mais c’est l’école Cottereau qui a le plus souffert.
Des préfabriqués sont installés dans la cour , et des cours ont même lieu dans des locaux rue St Denis, à l’emplacement de l’actuel bâtiment des impôts. Ci-dessous, photos de classes rue st Denis.
1945, la vie reprend dans les ruines de l’école.
1954-57 l’école est reconstruite.
L’école Cottereau en 2023.
Marie Jo Gladieux