Colette Brull-Ulmann naît à Paris le 18 avril 1920. Deuxième fille d’une famille juive de quatre enfants, elle est étudiante en médecine lorsque, en 1940, elle ne peut devenir interne du fait des lois antisémites du régime de Vichy. Le seul hôpital parisien où les médecins juifs ont le droit d’exercer est l’hôpital Rothschild, dans le XII ème arrondissement de Paris, qu’elle intègre en 1941. Elle doit bientôt, comme une partie du personnel de l’établissement, coudre une étoile jaune sur sa blouse blanche.
Décédée ce 22 mai, à l’âge de 101 ans, Colette Brull-Ulmann a longtemps tu un lourd épisode de sa vie. Malgré les hommages qu’elle méritait, elle a tardé à témoigner. Elle retenait davantage la liste des quelques enfants qu’elle n’avait pu sauver de la déportation, que celle bien plus longue des petits qui eurent la vie sauve grâce aux risques qu’elle prit au sein du « réseau de l’hôpital Rothschild » pendant l’Occupation. Il a fallu attendre le déclin de sa vie pour qu’elle se livre enfin dans un documentaire diffusé en 2015 (Les enfants juifs sauvés de l’hôpital Rothschild), puis dans un livre paru en 2017 (Les Enfants du dernier salut).
Après la rafle du Vel-d’Hiv’ en juillet 1942, l’hôpital deviendra un bâtiment moitié libre, moitié concentrationnaire. Pensant comme tout le monde que la fondation soignait les enfants pour les rendre ensuite à leurs familles, Colette s’est vite rendu compte qu’en fait, une fois rétablis, ils étaient finalement déportés, et qu’en fait l’hôpital était devenu un lieu de transit pour Auschwitz. « C’est à partir de ce moment, lorsque l’on a su l’horreur indescriptible du sort qu’on leur réservait, qu’on a essayé de garder les enfants, sous la conduite de Claire Heyman, assistante sociale de l’hôpital et organisatrice du réseau d’évasion des enfants ».
Ces soignantes tentent de prolonger le plus longtemps possible l’hospitalisation des enfants, inventant là encore pour cela toutes les maladies du monde, les subterfuges et les simulacres. Il y eut durant tous ces mois des noms effacés, des tampons de police volés, des maladies imaginaires, des bébés déclarés morts-nés, des cercueils vides, des faux cadavres. On faisait sortir les enfants de nuit, par la porte de la morgue, chemin de mort soudain devenu passage vers la vie, pour les emmener chez les familles et les institutions religieuses qui les cacheraient. En même temps, étaient soignés clandestinement les aviateurs alliés blessés, pour lesquels étaient fabriqués de faux papiers.
Jamais Colette n’a cherché à retrouver les enfants que ce réseau avait sauvés, dont on estime le nombre à plusieurs centaines. En 1943, repérée par un militaire allemand, alors que plusieurs de ses collègues sont arrêtés, elle est contrainte de s’enfuir de l’hôpital. Elle sera enrôlée par son père, héros de 14-18, revenu de Drancy et déjà rentré en résistance. La jeune femme d’alors 22 ans rejoint le BCRA (bureau central de renseignement et d’action), le service d’espionnage crée par de Gaulle, où elle exercera jusqu’à la Libération. Pour ces divers faits, elle sera faite titulaire de la Croix de Guerre et de la Légion d’honneur.
Elle épousera Jacques-André Ulmann, médecin et résistant. Avant de s’installer à la retraite à Nogent, elle exercera, unanimement appréciée, comme médecin pédiatre pendant 40 ans à Noisy-le-Sec, dans leur maison au carrefour des boulevards Gambetta et Michelet. Enfant, ainsi que mon frère et ma sœur, j’étais soigné par elle.
Jean-Luc Simon