Nos sources : Noisy Info d’Avril 2015 – Mémoire de maîtrise de Christian Fonnet « Noisy le Sec, de 1880 à nos jours », sous la direction de M. Gerbod, Université Paris XIII, 1976, et nos recherches personnelles
La Société de La Bonneville a été fondée le 1er février 1904 par le banquier Renard. Il exploitait une usine métallurgique à La Bonneville, une petite ville dans le département de l’Eure, et avait créé à Paris, passage Maurice dans le 11e arrondissement, un atelier d’étirage d’acier.
La Bonneville-sur-Iton est une commune située à 10 kilomètres d’Évreux dans le département de l’Eure en région Normandie. En 1910, la ville compte 585 habitants administrés par le maire monsieur Thouin. À cette époque le développement industriel dans les villes est de plus en plus grand et l’on voit de plus en plus des ensembles de maisons pour loger les ouvriers et les employés des industries. En 1910, la société métallurgique de la Bonneville emploie de nombreux Bonnevillois, et bonnevilloises dans leurs usines de forges, fonderies, laminoirs, tréfileries et étirage.
En 1913 un agrandissement de cet atelier devenait nécessaire, mais impossible de le réaliser dans Paris.
C’est à cette époque que la direction décide d’acquérir plusieurs parcelles de terrain sur la plaine des Groux. Il faut dire qu’à cette période la banlieue Est de Paris était propice à ce genre d’implantation d’industries grâce aux voies de communication : Canal de l’Ourcq, Nationale 3 et le chemin de fer de Paris à Strasbourg.
La construction du premier bâtiment fut entreprise aussitôt, mais malheureusement, à cause de la guerre, ne pût être terminé qu’en octobre 1916, période à laquelle les premiers tubes sortaient, et déjà on envisageait un nouvel agrandissement de l’usine.
A partir de 1920, deux sociétés s’y concentrent : La Bonneville dont l’activité principale est l’étirage et le tréfilage de l’acier et le groupe Escaut et Meuse qui confectionne des tubes sans soudure et des tubes soudés.
A cette période l’usine comptait déjà, côté rue Saint Denis une conciergerie, des bureaux, un laboratoire ainsi qu’un château d’eau, un garage et un atelier de tubes soudés utilisés dans l’automobile, les cycles, le matériel scolaire et hospitalier, ainsi que les éléments de chauffage.
En 1929 des accords passés entre la société La Bonneville et la société d’Escaut et Meuse concédaient à cette dernière l’exploitation des tubes sans soudure et soudés, La Bonneville ne conservant que les ateliers d’étirage et de tréfilage d’aciers.
Escaut-et-Meuse était une entreprise sidérurgique française fondée à Anzin en 1882. Elle fusionna en 1953 pour former le groupe Lorraine-Escaut, qui fut lui-même absorbé en 1967 par Usinor. Après la crise de la sidérurgie française des années 1970, les anciennes usines Escaut-et-Meuse fermèrent entre 1979 et 1991.
En 1930 Mr Louis Edouard Misselyn, venant d’Anzin, succède à Mr P. Haussoulier à la direction de l’usine, Mr J. Solvay, un jeune ingénieur belge, est également muté d’Anzin pour le seconder.
A cette période beaucoup d’industries, et notamment celles touchant l’automobile et les cycles, voient le jour dans toute la banlieue parisienne et vont utiliser de plus en plus de tubes et notamment de tubes soudés plus légers et au prix de revient moins élevé que le sans soudure.
Sous l’impulsion de son nouveau directeur, aidé par un excellent personnel d’encadrement et une main d’œuvre qualifiée, Noisy va se développer rapidement.
Vue intérieure de l’usine
En juin 1940, devant l’offensive allemande, Noisy-le-Sec ferme ses portes et se replie sur Besseges (Gard) où affluent déjà les personnels des usines d’Anzin, Flémalle (Belgique) et Lyon, mais dès le mois d’août l’usine reprend peu à peu son activité.
Mais le 18 avril 1944 les infrastructures sont détruites à 80% par le bombardement, cependant, grâce à l’action énergique du directeur M. Misselyn, elles sont rapidement reconstruites après la guerre avec de larges projets d’extension. L’utilisation de procédés industriels novateurs et la rationalisation du travail dans les ateliers permet une rapide reprise de l’activité de l’usine.
Après la libération les deux usines d’Escaut et Meuse Anzin et Noisy ayant été fortement détruites, il fut décidé lors de la reconstruction de consacrer Anzin au laminage des tubes sans soudure en transférant sur Noisy les fabrications de tubes Gaz soudés qui existaient à Anzin.
En 1953 constitution de LORRAINE-ESCAUT qui réunit les sociétés Escaut et Meuse, Longwy et Senelle-Maubeuge.
A ce moment là Noisy devient une grande usine moderne avec des effectifs relativement peu élevés.
Entre temps, en 1950, Mr De Corta, ingénieur attaché à la Direction d’Escaut et Meuse à Paris, avait succédé à M. Solvay comme ingénieur en chef, puis avait pris la direction de l’usine le 23 septembre 1953, M. Misselyn, malade, ayant dû abandonner ses fonctions (il devait décéder le 18 février 1954 – je reviendrai sur quelques détails de sa vie à Noisy).
A partir de cette date, Noisy, avec à sa tête des dirigeants plus jeunes et décidés à aller de l’avant, va se tailler très vite un rang plus qu’enviable parmi les grandes usines françaises et européennes, et on la citera souvent en exemple.
De 1953 à 1962 l’usine de Noisy ne fait que se développer, les procédés nouveaux sont systématiquement utilisés, Noisy devient l’usine modèle avec des effectifs peu élevés : environ 1000 personnes.
Le 30 octobre 1962 la Société Métallurgique de La Bonneville cesse toute activité industrielle à Noisy et cède à Lorraine-Escaut tous les terrains et bâtiments qu’elle y possédait encore.
Le 16 décembre 1966, la Société USINOR absorbe la Société Lorraine-Escaut et cédera le 21 juillet 1967 au Groupe Vallourec toutes ses usines de tubes, à savoir Anzin, Noisy, Besseges (Gard) et Sedan.
C’est ainsi que sera constitué un complexe métallurgique de dimensions européennes : le « Grand Vallourec ».
Trois sortes de soudure sont pratiquées à Noisy mais dans tous les cas le processus de fabrication est identique.
Une bonde métallique ou « feuillard », après avoir été décapée à l’acide, est déroulée, aplanie, puis passée dans des cages à galets qui le ploient et l’arrondissent progressivement. A la sortie de la chaîne, le tube est réalisé, les deux bords du feuillard se rejoignent, il n’y a plus qu’à souder, 3 procédés existent :
- Tube à chaud, le tube est chauffé progressivement à 800-900 et soudé (il est recuit du même coup)
- A froid par induction haute fréquence. L’usine de Noisy a été la première en Europe à mettre en œuvre la soudure des tubes peu courants à radio fréquence en 1959
- Soudure à l’arc sans atmosphère pour l’acier inoxydable.
Tous ces tubes sont d’un diamètre inférieur à 170mm
Utilisations principales des tubes :
Puisqu’à Noisy ce sont des tubes minces, ils sont essentiellement utilisés dans l’automobile, les cycles, le matériel de camping, les équipements sportifs, le matériel scolaire et hospitalier, le matériel agricole, les éléments de chauffage, les radiateurs, le mobilier métallique.
Les tubes finis à chaud, plus rugueux, servent pour le transport de fluides (genre chauffage central) et sont très étanches. On les emploie aussi dans le bâtiment (échafaudages).
Les tubes inoxydables, ne craignent pas la corrosion. On les emploie en chimie et pétrochimie, pour l’alimentation (laiteries, conserveries) et les raffineries de sucre, la décoration (tubes de chaises).
Sur la production de l’usine de Noisy qui l’élève à 180 000 tonnes de tubes par an, environ 15% est exportée (pays de la CEE et Scandinavie, Afrique francophone et australe). Les tubes inoxydables sont expédiés dans une grande partie du monde.
L’usine de Noisy s’étend sur 8 hectares dont 62 800 m2 couverts, comprise entre les voies ferrées auxquelles elle est reliée et les rues Saint-Denis, Eugène Durin et de Bobigny, c’est une des entreprises parmi les plus dynamiques de la commune.
1963, embranchement direct de l’entreprise Vallourec.
En ce qui concerne le personnel, dans les années 1970 les ouvriers travaillant sur les chaînes de production étaient répartis en deux équipes : la première fonctionnait de 5h30 à 14h et la seconde de 14h à 22h30 y compris 30 à 35 mn pour déjeuner. Le reste du personnel travaillait de 7h à 12h et de 13h à 16h30 ou de 8h à 12h et de 13h30 à 18h.
Au 1er janvier 1977 l’effectif était de 904 personnes qui se répartissaient comme suit :
Manœuvres : 8 0.99%
Ouvriers spécialisés : 473 52,50%
Conducteurs de chaîne : 57 6,30% (responsable de qualité)
Ouvriers professionnels : 140 15,50%
(soit au total 75% de travailleurs manuels)
Maîtrise et techniciens : 200 22,10%
Cadres : 25 2,70%
Il existait autrefois un centre d’apprentissage qui a donné des agents de maîtrise.
341 personnes (soit 37,7%) ont plus de 20 ans de service
366 (soit 40,4%) habitent à Noisy-le-Sec.
L’usine travaille avec le Foyer Noiséen, 293 logements ont été prévus (pavillons ou appartements) et 20 chambres dans un foyer qui vient de s’ouvrir à Noisy, rue Georges Gay. D’autre part des cars vont jusqu’en Seine et Marne chercher le personnel qui ne peut résider sur place.
Sur 904 personnes il y a 646 français (71,4%) et 258 étrangers (28,5%) dont 10 à 15 passeront le Certificat d’Etudes Primaires (études payées après les heures de travail), soit 38 Européens (Italiens, Espagnols, Portugais et 1 Polonais) – 159 Maghrébins – 59 Africains – 2 Mexicains
Il faut noter aussi que de 1947 à 1958 l’entreprise Vallourec va créer son propre club de football où jouera monsieur Robert Joly. Le club sera absent 2 ans, il reprendra en 1960 jusqu’en 1987 où monsieur Robert Joly sera président. Le club de Vallourec va changer de nom en 1987 et s’appellera, le Football Club Noisy Le Sec.
Le service du personnel s’occupait également d’organiser des camps de vacances pour les jeunes apprentis et les enfants du personnel (voir la lettre de Mr Robin, Chef du Personnel) datant de 1946.
En 1959 mon père a été sollicité pour encadrer un camp de jeunes de 15 à 18 ans en Corse à Calvi et en 1960 à Moux dans le Morvan.
Comme je vous l’ai dit au début, je reviens sur quelques détails de la vie de M Louis Edouard Misselyn qui a vécu à Noisy une grande partie de sa vie.
C’était un belge, né à Anvers le 6 août 1894, il épouse le 8 juin 1919 Gisèle Juliette Marie Morin à Eu, petite ville de Seine Maritime, qui est certainement son lieu de naissance à elle, en 1893. Ils se marient à Eu le 8 juin 1919. Ils ont un fils Guy Charles Emile qui naît à Eu en 1920.
Apparemment M Misselyn a travaillé à Anzin avant d’arriver à Noisy le Sec en 1930.
En 1951 ils font construire la maison bourgeoise du 63 rue Jean Jaurès par les architectes Lozquet et Tandin et l’entrepreneur Pierre Genette.
La ville achète ce bâtiment en 1982 pour y installer le Conservatoire en 1983.
Une rue porte son nom depuis le 16 mai 2006, anciennement rue Sandoz (créée en 1956) qui se situe entre l’avenue de Bobigny et la rue Léo Lagrange, à l’angle de la rue du Parc.
Il décède le 18 février 1954 et est enterré à Eu ainsi que sa femme qui elle, décède le 15 juillet 1975.
Revenons maintenant à son fils, il épouse Françoise Voyen, née en 1924 à Rambervillers dans les Vosges.
Ils auront deux enfants François né en 1946 et Anne Marie née en 1949.
Ils ont fait construire une maison au 21 rue Georges Gay, maison très moderne pour l’époque, il était ingénieur des Arts et Manufactures. Il décède en 1988 à Paris en étant toujours domicilié à Noisy dans sa maison de la rue Georges Gay. Je pense que sa femme est restée à Noisy dans cette maison, j’y suis allée une fois ou deux au début des années 90 avec ma mère qui la connaissait.
D’après ce que j’ai trouvé elle serait décédée en 2011 à Quimper. Cette maison, que nous avons prise en photo en 2015, a été depuis détruite pour construire un immeuble.
Les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 entraînent une crise majeure dans le secteur industriel français. Noisy le Sec n’y échappe pas : l’usine de Vallourec cesse son activité en 1983, puis celle de Valexy (filiale d’Usinor), dans laquelle travaillaient encore 233 ouvriers, fait de même en 1987.
Afin de redynamiser le site, la municipalité de l’époque crée en 1991 la zone d’activité du Terminal en attribuant une vingtaine de lots à de petites et moyennes entreprises industrielles et commerciales.
Chantal Boivin