Le moulin fondu ou moulin de Merlans (n°4 sur le plan)
On trouve mention de ce moulin en l’an 1408 dans les registres censiers de Merlan et de Saint-Antoine. Les années suivantes, nous trouvons trace du moulin dans les registres du monastère d’Argenteuil :
« et pour demi arpent de terre au moulin de Merlant tenant d’une part à Jehan Boileaue et d’autre aux hoirs Jehan Beauniez ».
Mais le moulin est surtout connu par la péripétie advenue à Estienne Hervy. Mai 1423, nous sommes en pleine guerre de Cent Ans. Les Anglais, les Armagnacs et les Bourguignons s’affrontent notamment en Ile-de-France. Ils ravagent cette contrée à plusieurs reprises.
Etienne Hervy, ruiné par les guerres, quitte sa famille et s’en va au hasard de la route pour chercher fortune. En passant près de Merlan, il vole de la vieille ferraille dans un moulin abandonné.
Arrêté et emprisonné, sa femme supplie le Roi d’Angleterre, alors âgé de 3 ans, de le libérer.
La lettre de rémission nous apprend beaucoup de choses sur le moulin. (Au Moyen-âge, une lettre de rémission est un acte par lequel le roi octroie son pardon à la suite d’un crime ou d’un délit, arrêtant ainsi le cours ordinaire de la justice.)
En voici quelques extraits :
« Henry, par la grâce de Dieu roy de France et d’Angleterre, savoir faisons à tous présents et avenir, nous avoir reçu l’humble supplication de Jehanne, femme de Estienne Hervy, povre femme nouvelement relevée d’enfant, demeurant à Paris /… / Le lundi des foiriers de Penthecouste derrenièrement passé (24 mai 1423) après diner est prist son chemin à aller à Noisy-le-Sec et en passant aperçut un molin appelé le molin de Mourlans, ouquel n’avait et n’a huis fenestre, ne autre fermeture et ne moulu, ne fut en estat, passé à VI ans / …/ Estienne entra et vit qu’il y avoit sur l’aire ou planchier plusieurs groz ferremens viels qui, au temps passé, avoient servi audict moulin /…/ requerant que ledit Estienne a esté et est homme de bonne vie, renommée et honeste conversacion, sans avoir esté attainct ou convaincu d’aucun vilain cas ou reproche, et que le dit fer ne peut valoir que deux ou trois frans nous lui vueillons sur ce impartir nostre grâce et miséricorde. »
Ce moulin fut dénommé plus tard « le moulin Fondu », cette appellation indique bien qu’il était détruit, délabré, abandonné en ces temps de désordres et de pillages.
Au début du siècle suivant ,en 1528-1530, il est toujours debout ; il est question
« canton du viel moulin ou moulin fondu de deux arpens et demi tenant d’une part au chemin de Noisy à Villemomble et d’un bout à la rue de Merlan. »
Son emplacement se trouve ainsi bien déterminé.
On note que sur le plan cadastral de 1808-1812, le lieu-dit Le Moulin Fondu désigne un quartier limité par les actuelles rues de Merlan, des Carouges, de Brément, ainsi que par le chemin de Montreuil.
Le moulin de la Grande Tour (n° 2 sur le plan)
1501, Jehan Boullenger, marchand meunier, demeurant à Noisy-le-Sec cède aux marguilliers (c’est à dire à l’église) :
« deux arpens en une pièce assis au terroir dudit Noisy, au lieu dit les Monteux, lesquels deux arpens a un moulin à vent édifié de neuf et prêt à tourner dedans quinze jours. «
Ce moulin dépend alors de la censive de Nicolas Ballue, seigneur de Noisy et de Villemomble. Il est baillé pour « 120 livres et 2 chapons ». Nicolas Ballue meurt en 1506.
1518, le moulin apparaît aux terriers de la seigneurie de Saint-Maur. On ne sait à quelle époque il fut baptisé « moulin de la Grande tour » pour faire la différence avec son homologue proche dit de la Petite Tour. Il comptait trois niveaux, une tour tronconique en maçonnerie dite télescopique, c’est à dire que l’épaisseur des murs diminuait à chaque étage. Il était constitué de silex et de moellons de gypse caractéristique des moulins de la région de Paris : l’encadrement des baies et des portes du rez-de-chaussée était en grès taillé.
Depuis le chemin de la Grande Tour, un sentier en impasse menait en direction des champs jusqu’au moulin et à la maison du meunier. Hector Espaullard situe le moulin à l’extrémité de la Villa des Fleurs, boulevard Michelet.
A la date du 11 novembre 1683, dans les registres de la Prévôté de Saint-Maur / Saint-Louis, on peut lire une sentence rendue contre Etienne Ganneron, meunier de la Grande Tour, accusé de blasphème et de tentative de parricide sur sa mère. La Dame Ganneron porte plainte auprès de la justice de M de Bretonvilliers mais en fait le seigneur du lieu est M de Sainte Fricque. De ce fait la victime est condamnée à 20 livres d’amende pour avoir porté plainte ailleurs qu’à la juridiction du chapitre de Saint-Maur !
18 juillet 1736, un procès-verbal constate la mort d’Etiennette Espaullard âgée de 14 ans, fille de Blaise, vigneron et de Marie Chauvin, tombée dans le puits du moulin. A cette date le moulin dépend toujours de la censive des seigneurs de Saint-Maur.
Jusqu’à la veille de la Révolution, le moulin restera la propriété des différents seigneurs des lieux. En 1780, il dépend de la seigneurie de M de Mauperché.
Les meuniers :
Nous avons vu que le premier meunier s’appelait Boullenger (nom prédestiné) puis en 1650 un certain Longpré et en 1680 Nicolas Ganneron lui succèdent. En 1683 c’est sa veuve, Geneviève Herelle, qui continue le bail, puis la même année Etienne Ganneron ( fils ou frère du défunt).1708, ce sera Laurent Nicolas, en 1736 Nicolas Cobaille et 1741 Jean-Nicolas La Gasche. En 1745, Marie Claude Danquechin est déclarée « veuve de Nicolas Lagarche, meunier de la Grande Tour ». C’est elle qui reprend la suite du bail en 1754. Puis en 1780, ce sera Jean-Louis Duval et en 1800, Jean Bonnevalle d’une ancienne famille noiséenne. Les Bonnevalle sont cultivateurs, meuniers de père en fils et propriétaire de plusieurs moulins dans la région. Charles Abel Bonnevalle sera élu maire à plusieurs reprises. (Vous pouvez vous reporter à l’article qui lui est consacré sur notre site internet).
Charles Abel Bonnevalle
Le dernier meunier est un certain M. Desfolies en 1835. En 1845 le moulin cesse de fonctionner et il est démoli.
Le moulin de la Petite Tour (n° 3 sur le plan)
Premières traces du moulin au début du XVIème siècle. En 1517 dans le terrier de la seigneurie appartenant à M. de Charmoulu, nous pouvons lire :
« Deux arpents de terre en deux pièces… plus deux arpents de terre où sont les moulins à vent, l’une desdites pièces assis au-dessus des Montieux /…/ aboutissant des deux bouts sur les chemins de la Magdeleine et Bondis ».
Le chemin de la Magdeleine correspond plus au moins à l’actuelle rue Pierre Sémard et le chemin de Bondis à l’actuelle rue Jean Jaurès.
Le moulin de la Petite Tour d’une contenance d’environ 1700m2 était loué, à cette date, aux héritiers d’Estienne Damoiselet. Sur la carte des chasses datée de 1740, le moulin est nommé « le moulin de Noisy-le-Sec ».
C’est de tous les moulins de Noisy, celui qui resta le dernier en service ; le redressement du chemin de la Forge et sa transformation en route départementale, rendit son utilisation impossible. De plus, une loi du 19ème siècle interdit aux moulins à vent de se trouver à moins de quarante mètres des routes, arguant du fait « que l’ombre des ailes pouvait effrayer les chevaux ». Cette mesure en fit disparaître des centaines (cf. Les moulins à vent et les chevaux de Robert Kirch).
Il était construit de façon identique à son voisin de la Grande Tour mais devait être de dimensions plus modestes ce qui lui valut son nom.
La tour, qui existait encore au début du XXème siècle, mesurait 12 mètres de hauteur. Son diamètre extérieur était d’environ 7,75m et le diamètre intérieur de 5,30 m.Elle était devenue une annexe du café restaurant tenu par M. Bonnevalle qui proposait ses salles pour des noces et des banquets. Il possédait un billard. De nombreuses cartes postales nous montrent le moulin reconverti en tour médiéval à créneaux.
Il est parfois dénommé « moulin de la Galette », sans doute une allusion au célèbre moulin parisien de la Butte Montmartre devenu guinguette.
Il fut démoli en 1912 et remplacé par l’hôtel Moderne disparu à son tour lors du bombardement d’avril 1944.
Quelques meuniers :
1643 : Jean Mercier
1671 : Nicolas Bimont
1682 : Nicolas Laiglehon
1692 : Vincent Duvivier
1708 : Laurent Nicolas
1748 : Charles Jumelle, père puis fils, puis Marie-Marguerite Meslier, veuve du prédécent
1781 : Louis Gibier
1795-1797 : Pierre Henri Helerbe
1820 : Etienne Bonnevalle
1835 : Jean Bonnevalle (déjà meunier en 1800 du moulin de la Grande Tour).
sources :
moulinsidf.com
Hector Espaullard, Noisy-le-Sec, village heureux, ville martyre
Jean Claude Gaillard, Moulins d’Aulnoye et d’Alentour (Société Historique du Raincy)
www.atlas-patrimoine93.fr