QU’EST-CE QU’UN HELPER ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CONTEXTE HISTORIQUE :
Dès 1939, les Anglais prennent conscience de la valeur de leurs aviateurs abattus : valeur morale
et financière (10 000 livres : soit la scolarité de 10 étudiants à Oxford pendant 3 ans).
En décembre 1939, le War Office crée le MI 9, un bureau secret, chargé d’aider les aviateurs
abattus en territoires occupés, à rentrer en Angleterre.
Le MI 9 distingue 2 types d’aviateurs : les Escapers qui s’évadent d’un camp de prisonniers et les
Evaders qui n’ont pas été capturés.
En octobre 1942, les Américains créent le MIS X sur le modèle du MI 9 anglais.
Ces 2 organismes rédigent les rapports d’évasions des aviateurs abattus et commencent à dresser
des listes de personnes ayant aidé ces aviateurs abattus. Ces personnes sont appelées les
Helpers (aidants).
Le rôle des helpers devient si important, qu’en janvier 1945, le MI 9 crée l’ IS 9, une école de
formation à l’évasion pour les soldats anglais, sur la base des rapports d’évasion recueillis.
A la fin de la guerre, les alliés souhaitent remercier les helpers et installent à Paris le ‘Awards
bureau’ (bureau des recherches) chargé de cette mission. Il est commandé par le colonel Donald
Darling.
Le Awards bureau ré- étudie systématiquement tous les rapports d’évasion, mais surtout publie
des annonces dans les journaux français, en demandant aux personnes ayant apporté une aide
quelconque à des aviateurs alliés abattus, de se faire connaître.
Le cas de chaque Helper donne lieu à une enquête approfondie, avec
recoupements de témoignages, enquêtes de voisinage…
vérifications,
A la fermeture du bureau en 1947, 33 535 personnes auront été reconnues officiellement comme
helpers.

Ces 33 535 personnes sont reparties dans 20 000 dossiers.
Un dossier pouvant couvrir une personne, un couple, ou une famille entière.
Il peut comporter d’une seule à une centaine de pages.
Pour ‘faciliter’ les recherches, un index papier de 1500 pages a été créé en 1947.

L’INDEX

CONTENU DE L’INDEX:
L’index est classé par ordre alphabétique et comporte 7 colonnes :
1 Le nom du helper :
Pour les couples, le nom est celui du mari, avec la mention ‘et Madame’ ou avec le prénom de
l’épouse.
Les titres sont également mentionnés :
Docteur (400 dossiers)
Hommes ou femmes d‘Eglise : abbé, curé, pasteur, sœur ou mère (200 dossiers)
Militaires : de caporal à général (250 dossiers)
Noblesse : prince, duc, comte, baron, et leurs équivalents féminins (110 dossiers).

2 l’adresse du helper :
En ville, les adresses sont plutôt précisément relevées…sauf exceptions : métro Saint Paul.
Pour les campagnes, le nom de la commune tient souvent lieu d’adresse.
Il est à noter que de nombreuses erreurs émaillent ces données.
Les noms de lieux sont quelques fois phonétiques (recueillis par des Anglo saxons).
Quant aux adresses, il s’agit de l’adresse du helper au moment des faits relatés.
Beaucoup de déplacements de populations ont eu lieu en France, du fait des combats de la
libération ou des bombardements.
Enfin, de nombreux noms de rues ont été changés à la libération, notamment en Alsace et en
Lorraine.

3 Le niveau de classement proposé (Award grade proposed) :
Les alliés classent l’importance du dossier du helper, sur une échelle de 1 à 5 puis Nil (néant).
Le chiffre 1 correspond à une action exceptionnelle : en l’occurrence à l’organisation d’un réseau
d’évasion.
Le chiffre 5 témoigne d’une aide ponctuelle, mais significative à 1 ou 2 aviateurs alliés.
Nil correspond à une action modeste mais reconnue.

4 Le numéro de certificat (certificate number) :
C’est le numéro sous lequel a été enregistré le dossier, lorsqu’il a été validé par les autorités
britanniques.
Les causes de refus de validation par les Anglais sont en général :

– aide aux aviateurs américains exclusivement (dossier transféré aux services américains)

– liste noire (blacklist) : helpers reconnus mais dont le comportement collaborationniste annule
leurs actions de helper

– pas de confirmations prouvées, des noms cités par les aviateurs, à l’issue de l’enquête

5 Le numéro de dépôt (claim number) :
C’est le numéro sous lequel à été déposé le dossier auprès du Awards bureau

6 La récompense accordée (compensation paid) :
Dans certains cas, les alliés accordent une compensation financière :
– Compensation de frais importants, engagés lors de l’aide apportée aux aviateurs abattus
– Compensation pour la mort ou la déportation du helper ou d’un proche, en relation avec
l’aide apportée aux aviateurs
L’aide maximale accordée trouvée dans l’index, est de 150 000 F de l’époque (1 450 000 € actuels
environ).

L’ACTION DES HELPERS
Quelques chiffres :
On estime qu’au moins 4 000 soldats et aviateurs alliés ont été pris en charge entre 1939 et 1944,
et ont réussi à rentrer en Angleterre. Ceux qui ont été repris par les Allemands ne figurent pas
dans ces chiffres, mais ont également bénéficié des efforts des helpers.
Pour les seules évasions réussies, cela représente un total estimé de 348 000 jours et nuits
d’hébergement en territoire occupé (presque 1 000 ans !).
La durée moyenne d’un séjour en territoire occupé, avant le retour en Angleterre,
est de :

– 87 jours pour un aviateur abattu au-dessus de l’Europe

– 116 jours pour un aviateur abattu en Allemagne

Concrètement :
Le contact avec les aviateurs abattus
Il faut ensuite les cacher, les loger, les nourrir, les vêtir, les soigner, leur fournir de faux papiers et
de faux tickets de rationnement, les accompagner dans les transports, leur faire traverser la ligne
de démarcation, les frontières…
Avec des contraintes fortes : l’indiscipline, la promiscuité, l’ennui, la haute taille (US) ou la couleur
des cheveux (roux), la sécurité quotidienne (rideaux), trouver des personnes parlant anglais…
Le tout dans un contexte de restrictions, de suspicion généralisée et de pression continue de la
police, de l’armée allemande et de la gestapo.
Dans le même temps, les familles de France ont caché 100 000 réfractaires au STO et un nombre
inconnu de familles juives, et de prisonniers français évadés.
Une armée de fourmis :
Les helpers sont essentiellement des résistants isolés et éparpillés.
Sur toute la durée de la guerre, seuls deux réseaux organisés ont été distingués par les alliés :
Françoise et Comète,
L’essence même de l’action du helper est solitaire, pour 2 raisons :

– la soudaineté brutale de l’apparition d’aviateurs à aider ne laisse aucun temps à l’anticipation et
à la préparation

– les helpers ‘récidivistes’, l’accompagnement au quotidien des aviateurs ne permet pas un travail
en nombre
Un trio d’hommes est déjà suspect dans les transports en commun, pour les yeux surentraînés des
agents de la gestapo ou de la police allemande.

OU SONT LES HELPERS ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le plus grand nombre de helpers se trouve à Paris
et dans sa proche banlieue :
3383 personnes pour Paris intramuros.
Paris et sa banlieue sont en effet le centre logistique de la France.
Toutes les routes importantes (les nationales) et les voies ferrées y aboutissent.
C’est le point de départ obligatoire pour prendre le train. Il n’y a plus d’essence pour les trajets
longues distances et les contrôles routiers sont beaucoup trop nombreux.
Il est également plus facile de se cacher dans une grande ville que dans un petit village ou un
nouveau visage ne passe pas inaperçu.
La seconde plus forte concentration de helpers se situe, ensuite, dans les Hauts de France et le
Pas de Calais (Lille : 326 helpers, Roubaix :115, Tourcoing : 113).
Cette forte densité de helpers est directement en corrélation avec le nombre d’avions abattus dans
cette région. C’est en effet le point de passage obligé, à l’aller et au retour, des bombardiers en
mission sur l’Allemagne et la France occupée, mais aussi sur la Belgique et la Hollande.
Le ciel de la région a connu dès 1940, la Bataille d’Angleterre, et son territoire a été constamment
bombardé durant toute la guerre, pour ses ports, ses industries, ses fortifications du mur de
l’atlantique, puis à partir de 1944, pour ses installations et ses sites de lancement de V1.
Par ailleurs, le Nord Pas de Calais dispose déjà de réseaux d’exfiltration très organisés, ayant
servi dès 1940, à sortir de France près de 2500 soldats britanniques, abandonnés après la
capitulation de la poche de Dunkerque.
La troisième plus forte concentration de helpers se trouve ensuite en Bretagne et sur les côtes
normandes.
Il était en effet plus facile d’embarquer pour l’Angleterre de ces côtes, que de celles du Nord
beaucoup plus surveillées.
Les départements en bordure des Pyrénées ont également accueilli beaucoup de helpers qui
faisaient passer la montagne aux aviateurs abattus.
Enfin, on note un nombre important de helpers dans l’est, principalement dans les départements
du Bas Rhin, des Vosges, et de Meurthe et Moselle.

La barrière naturelle des Vosges et ses conditions météorologiques ont été la cause de beaucoup
de crashs d’avions, en partance ou au retour d’Allemagne.
Un point notable : Marseille avec 102 helpers, qui s’explique par la présence d’un réseau animé
par un pasteur écossais (le rev Casskie) qui exfiltrait les aviateurs abattus, via des cargos
portugais, pays neutre à cette époque.

Les helpers en Seine Saint Denis

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Existence à Livry Gargan du réseau M4 de Camille NICOLAS, créé à partir de 1941, qui regroupe :

– 5 groupes francs

– 7 groupes FFI, dont celui de Livry qui est spécialisé dans la récupération des aviateurs alliés
abattus
Ce groupe FFI M4 de Livry sera actif jusqu’au 17 décembre 1943, date à laquelle la gestapo arrête
11 aviateurs alliés et 2 responsables du groupe.

Les helpers noiséens
8 helpers sont officiellement reconnus à Noisy le Sec par le Awards bureau de Paris
Il s’agit de :
ABRAHAM André
BECKER Joseph et Madame
COHAT Jules
COURTIER Léon
DERLON André et Pauline
JAILLON Robert et Amelise
LORIC Paul
VERNET Lucien

Abraham André
ADRESSE : 41 bd de la République
NIVEAU DE CLASSEMENT PROPOSE : nil
NUMERO DE CERTIFICAT : /
COMPENSATION FINANCIERE : /
NUMERO DE DEPOT DU DOSSIER : P 6823
OBSERVATIONS : pas de confirmations

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BECKER Joseph et Madame
ADRESSE : 46 bd de la République
NIVEAU DE CLASSEMENT PROPOSE : 5
NUMERO DE CERTIFICAT : 1543
COMPENSATION FINANCIERE : 5 000 F pour dépenses
NUMERO DE DEPOT DU DOSSIER : P7688
OBSERVATIONS : /

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COHAT Jules
ADRESSE : 33 r de la Fontaine
NIVEAU DE CLASSEMENT PROPOSE : Nil
NUMERO DE CERTIFICAT : /
COMPENSATION FINANCIERE : /
NUMERO DE DEPOT DU DOSSIER : P11389
OBSERVATIONS : pas de confirmations

 

 

 

COURTIER Léon
ADRESSE : 91 r saint Denis
NIVEAU DE CLASSEMENT PROPOSE : 5
NUMERO DE CERTIFICAT : 35657
COMPENSATION FINANCIERE : /
NUMERO DE DEPOT DU DOSSIER : /
OBSERVATIONS : /

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DERLON André et Pauline
ADRESSE : 7 chemin des Groux
NIVEAU DE CLASSEMENT PROPOSE : 5
NUMERO DE CERTIFICAT : 34542
COMPENSATION FINANCIERE : /
NUMERO DE DEPOT DU DOSSIER : /
OBSERVATIONS : /

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

André DERLON était chauffeur livreur pour les établissements MARTIN LUNEL, 37 rue de Bobigny
à Noisy.
Militant socialiste, il fut membre du Comité Local de Libération début août 1944 (Mouvement :
Ceux de la Libération).
Il fut capturé par des SS au cours des combats, le 25 aout 1944.
Il est mort en déportation le 15 février 1945 à Sachsenhausen à 48 ans.
Il est décoré de la médaille militaire, de la médaille de la libération et de la médaille du mérite
anglais.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JAILLON Robert et Amelise
ADRESSE : 20 r du Jura
NIVEAU DE CLASSEMENT PROPOSE : 5
NUMERO DE CERTIFICAT : 34587
COMPENSATION FINANCIERE : /
NUMERO DE DEPOT DU DOSSIER : P9037
OBSERVATIONS : /

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LORIC Paul
ADRESSE : Av Victor Hugo
NIVEAU DE CLASSEMENT PROPOSE : 5
NUMERO DE CERTIFICAT : 17646
COMPENSATION FINANCIERE : /
NUMERO DE DEPOT DU DOSSIER : P10166
OBSERVATIONS : /
ADRESSE : Av Victor Hugo
NIVEAU DE CLASSEMENT PROPOSE : 5
NUMERO DE CERTIFICAT : 17646
COMPENSATION FINANCIERE : /

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VERNET Lucien
ADRESSE : 22 r Tripier
NIVEAU DE CLASSEMENT PROPOSE : 5
NUMERO DE CERTIFICAT : 32078
COMPENSATION FINANCIERE : 5000 F pour dépenses
NUMERO DE DEPOT DU DOSSIER : P10860
OBSERVATIONS : /

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Coïncidences ?
Certains helpers noiséens ont des adresses très proches :
ABRAHAM André : 41 bd de la République
BECKER Joseph et Madame : 46 bd de la République
JAILLON André et Amelise : 20 r du Jura
VERNET LUCIEN : 22 r Tripier
COURTIER Leon : 91 r Saint Denis
DERLON André et Pauline : 7 chemin des Groux

CONCLUSION

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Réflexions

LE TRAVAIL DES HELPERS : UN AGREABLE MOMENT AVEC DES AMIS ANGLAIS ?
15 % des helpers ont été déportés, soit 4600 personnes
33 % ne sont pas revenus : 1518 personnes
30 % de helpers sont des femmes (12% pour la résistance nationale)

EFFECTIFS RESISTANTS OFFICIELS :
Personnes déclarées Combattants Volontaires de la Résistance (CVR): 261 000
Forces Françaises Libres (parties de métropole avant le 31 juillet 1943 : 32 000
Helpers (non CVR) : 28 000 (10,3 % des résistants officiels)
Justes : 4 000

TOTAL : 325 000
Pop française en 1936 : 41 856 000
Pop française en 1946 : 40 592 000
Taux de résistants dans la population : 0,8 %

Pourquoi a-t-on oublié les helpers ?
Phénomène exclusivement français. Il existe encore en Angleterre et aux Etats Unis, des
organismes actifs, qui perpétuent la mémoire des helpers européens.
Volonté politique d’après guerre, de créer le mythe rassembleur d’une France qui s’est libérée elle
même, par sa résistance nationale, organisée en réseaux structurés communistes et gaullistes.
Les helpers, résistants spontanés et autonomes, souvent improvisés, ont été sacrifiés sur l’autel
de la reconstruction nationale.
Ne les oublions pas !

Christophe Nicolas