Introduction aux sujets de l’année 2025
L’année 2025 sera marquée par les 80 ans du 8 mai 1945 qui correspond à la fin de la seconde guerre mondiale en Europe. C’est l’annonce de la capitulation de l’Allemagne.
La guerre se poursuit en Asie en particulier entre les États-Unis et le Japon.
Ce n’est qu’après les bombardements atomiques américains sur Hiroshima (6 août 1945), puis Nagasaki (9 août 1945) et l’attaque soviétique en Mandchourie, que l’empereur Hirohito annonce, le 15 août 1945, la capitulation du Japon.
La municipalité a décidé de commémorer cet anniversaire en mettant l’accent sur la Résistance et en effectuant le parcours décennal non réalisé l’an passé. Pour rappel le parcours décennal consiste à relier en une même journée les plaques commémoratives de la ville dédiées aux morts de la seconde guerre mondiale et notamment aux résistants. C’est dans cet esprit qu’une campagne de remplacement de plaques trop abimées a commencé (ex Joseph François à l’hôtel de ville, Louis Welscher rue Pierre Sémard, ou encore allée des Pavillons).
En ce qui concerne notre association, nous avons décidé de renouer avec les expositions abandonnées depuis le Covid. Nous proposerons donc en salle G Philipe du 2 au 11 mai 2025, une exposition intitulée « Résister : Noisy-le-Sec 1940-45 ». Les horaires restent à préciser.
L’exposition sera ouverte aux scolaires. Nous avons commencé à travailler avec 3 classes de l’école Rimbaud au Londeau (1 CM1/CM2 et 2 CM2). Pour les 3 classes nous proposerons :
- avant l’exposition, une visite commentée de la stèle de la place du Maréchal Foch + les 2 plaques de la façade de la mairie (au sujet de la stèle, nous allons entreprendre une action auprès de la ville afin que les lettres soient changées de couleur, actuellement illisibles)
- une visite de l’exposition (avec carnet d’accompagnement) en 2 temps : un commentaire, puis un temps libre pour une expression artistique via le dessin. Pour cette partie, nous aurons le concours de 2 membres des Fondus de Merlan. En juin, la classe de CM2, qui travaille avec le conservatoire de musique de Noisy, présentera un spectacle avec interprétation de chants liés à cette période – chant des partisans, Marseillaise, etc. A cette occasion les dessins réalisés par les enfants des 2 autres classes seront exposés au conservatoire.
Le contenu de l’exposition
- des affiches
- des panneaux explicatifs
- des objets
- diffusion du témoignage oral de Louise Welscher
Nous avons publié dans le dernier numéro du journal Horizons un appel à témoin.
Aujourd’hui je vous propose, d’une part, une réflexion sur « qu’est ce que résister ? » et d’autre part le portrait d’un résistant noiséen.
Qu’est-ce que résister ?
Définition du dictionnaire Larousse : S’opposer à une force armée d’occupation, et en particulier, participer à la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale.
Comment résister ?
Les moyens sont multiples. Néanmoins, on peut esquisser trois modes d’action principaux: la résistance civile, improprement qualifiée parfois de passive, la lutte armée ou résistance militaire, la résistance humanitaire ou caritative.
1/ La résistance civile
Elle traduit le refus de la domination du vainqueur et consiste, en premier lieu, en une contre-propagande hostile à l’occupant, qui va des graffiti sur les murs et de la lacération des affiches ennemies à la fabrication et à la diffusion de publications clandestines en tout genre – tracts, journaux, caricatures, opuscules. Cette presse clandestine s’impose dès les débuts de l’Occupation, afin d’y maintenir et d’y relever le moral.
La presse clandestine : En l’espace de cinq ans, des millions de journaux sortent des imprimeries clandestines, poursuivant partout les mêmes objectifs : révéler les horreurs du nazisme, stimuler les tièdes, encourager les sympathisants, soutenir les combattants, développer chez les occupés, une hostilité systématique envers les nazis. D’ailleurs, plusieurs des mouvements importants de résistance sont nés autour de journaux clandestins. Franc-Tireur tirera à 165 000 exemplaires en utilisant douze imprimeurs successifs, Combat consomme chaque mois trois tonnes de papier, Jean Paulhan fonde avec Jacques Decour, qui sera fusillé par les nazis, les Lettres françaises ; Marc Bloch met sa plume au service de l’antinazisme.
Un mot sur Témoignage Chrétien : la spécificité du Témoignage Chrétien, par rapport aux autres journaux de Résistance est qu’il revendique une Résistance spirituelle. C’est en effet en référence à l’Évangile et aux idéaux chrétiens que Témoignage Chrétien s’est opposé au nazisme. A Noisy, il sera diffusé, entre autres, par le réseau de l’abbé Gitenet. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Les personnes qui tentent de diffuser ces journaux se retrouvent opposées à la Gestapo et doivent user de la ruse pour déposer leurs papillons (journal sur une seule page, recto-verso) chez un maximum de gens sans être arrêtées. A Noisy, Louise Welscher témoigne qu’elle cachait ces « papillons » dans les cages à lapins dans son jardin.
Rappelons que détenir un tract ou un journal clandestin rend suspect. En posséder plusieurs exemplaires rend coupable.
Les grèves : autres manifestations de résistance civile :
- les grèves, menées en dépit de la violence de la répression
- mention spéciale pour les grèves insurrectionnelles de 1944 des cheminots noiséens
- la non-exécution des ordres et des circulaires dans les administrations au niveau national ou local
- l’infiltration de résistants dans les postes de responsabilité des différents services publics.
2/ La résistance militaire
La lutte armée, celle des partisans et des saboteurs – frappe l’imagination et suscite l’admiration. Ne considérant pas la victoire finale comme acquise aux Allemands, les résistants commencent par cacher des armes et entrer en contact avec les services britanniques en attendant le jour où ils pourront constituer une armée secrète, se livrer à la guérilla sur les arrières de l’ennemi et participer par les armes à la Libération.
Espionnage et intendance : de fait, depuis Londres, les Britanniques et les gouvernements en exil envoient des agents et des techniciens radio pour recruter des volontaires qui, malgré les multiples arrestations, transmettront jusqu’à la fin de la guerre des informations capitales pour les Alliés. La plupart de ces réseaux de renseignements, premiers éléments en date de la résistance militaire, sont d’une remarquable efficacité. Plusieurs noiséens et noiséennes seront arrêtés pour détention de poste émetteur.
Si les activités d’espionnage, qui débouchent sur la collecte et la transmission de renseignements concernant l’ennemi, sont essentielles, il faut parallèlement organiser des réseaux d’évasion, en particulier pour les aviateurs tombés en territoire occupé.
Ce sont les helpers.
Attentats et représailles : dans le même temps, attentats et sabotages se multiplient et obligent les Allemands à vivre en état d’alerte permanent.
En France, les attentats se multiplient à partir de 1943. Le rôle militaire de la Résistance va s’accroître. Les premiers parachutages d’armes ont lieu dans le Cantal à la fin de 1943. Des maquis s’organisent, notamment en montagne. Celui du Vercors est anéanti du 21 au 27 juillet 1944. Les attentats n’épargnent pas les collaborateurs : certains sont condamnés à mort depuis Londres par la cour martiale de la Résistance; Philippe Henriot (secrétaire d’Etat à l’information et à la propagande du régime de Vichy) est abattu par des officiers de la Résistance en mission le 28 juin 1944.
3/ La résistance humanitaire
Cette forme de résistance se donne pour mission de venir en aide aux persécutés et d’apporter secours et protection aux diverses catégories de victimes: en premier lieu les juifs, mais aussi les familles de résistants arrêtés et déportés.
Elle leur fournit de l’argent, des hébergements, des «planques», des vêtements, des cartes d’alimentation. De véritables laboratoires de faux papiers sont organisés, des prêtres délivrent de faux certificats de baptême.
Ce schéma présente, d’une façon simplifiée, l’organisation de la Résistance au niveau nationale.
L’affiche montre la nécessité de l’union des résistances.
- le soldat sur le sol anglais et le résistant sur le territoire française oeuvrent ensemble pour la Libération de la Patrie.
L’affiche Liberté
A présent je vais vous présenter une figure de la Résistance noiséenne qui entre dans la 1ère catégorie, la résistance civile. Cet exemple montre, si cela était nécessaire, que cette forme de résistance n’est pas sans risque.
Léon Lochin
Il est déclaré né le 29 décembre 1914 à Changé dans la Mayenne. En fait, il est né à Toulouse dans la gare, puisque sa mère était en voyage dans cette ville lors de la naissance ; c’est le Docteur Charles, médecin SNCF, de Noisy, lui-même en voyage, qui a procédé à l’accouchement.
Il est le fils de Léontine Plumas et de Charles Lochin. Il a une sœur Hélène et un frère Charles.
Il travaille d’abord comme lithographe à Laval. En 1931, il participe à un concours de pêche (L’avenir de la Mayenne du 16/08/1931). Puis, devenu orphelin, il va habiter NLS
En 1938, il réside au 63 avenue de Bobigny (liste électorale) puis chez son frère Charles qui est ajusteur, au 14 rue Henri Barbusse.
Sur cette photo de 1939 pour les 150 ans de la Révolution, on le reconnaît au 1er rang. Il est secrétaire de la section des Jeunesses Communistes de Noisy et membre du bureau de la Région Paris-Est des JC.
Léon Lochin est une première fois arrêté en 1939 pour possession de vieux tracts de 1938 (avant pacte germano-soviétique), mais il est relaxé. Le 24 décembre 1939, il participe à un « Noël Rouge » à Noisy, et est emprisonné à Fresnes pour « transport de ronéo ». Lors de la débâcle, (entre le 10 et le 15 juin 1940) la prison est vidée et évacuée dans une colonne à pieds ; il en profite pour s’évader. De retour à Noisy où il était cantonnier à la ville, il ne cherche pas à fuir ; 2 mois après (le 1er septembre 40) il est arrêté par la police française dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Vichy à l’encontre des principaux responsables communistes de la Seine. Ces communistes sont regroupés au stade Jean Bouin puis emmenés par car et internés au camp d’Aincourt le 5 octobre 1940.
Un mot sur ce camp : il s’agit de l’ancien sanatorium d’Aincourt (La Bucaille) situé à Fontenay-Saint-Père en Seine et Oise. Il s’agit d’un camp d’internement administratif de la Zone Nord qui devient un centre de séjour surveillé. Y sont enfermés tous ceux qui pouvaient être dangereux pour la défense nationale, sans enquête et sans jugement. Ce sont en grande majorité des militants communistes.
Il est sorti plusieurs fois du camp pour interrogatoire. Le 12 novembre 1941, il est emmené à Paris pour être jugé. Le 17 novembre 1941, la 12ème cour du tribunal correctionnel de Paris le condamne à 6 mois de prison.
Le 25 janvier 1942, il est de retour au camp.
Les autorités du camp d’Aincourt proposent un marché à Lochin : s’il condamne, renie le Parti Communiste, il sera radié de la liste des otages susceptibles d’être fusillés par les nazis. Léon Lochin répond par le mépris.
Autre exemple de ces « propositions » faites aux prisonniers communistes Félix Routhier.
Le 11 février 1942, Léon Lochin fait partie d’un groupe de 21 internés qui sont transférés à Compiègne. Il s’agit d’un camp allemand le Frontstalag 122.
13 d’entre eux seront déportés à Auschwitz dont Léon.
Le 6 juillet 1942, à 6 heures du matin, il est conduit, à pied, 4 km, sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades puis entassé dans un wagon de marchandises. Le train part à 9h 30.
Dans ce convoi au départ de Compiègne il y a 1175 hommes dont 1100 otages communistes, 50 otages juifs et quelques « associaux ». Il s’agit là d’une déportation de représailles contre le « judéo-bolchévisme » pour tenter de terroriser les petits groupes armés communistes qui entreprennent d’attaquer des officiers et des soldats de la Wehrmarcht.
3 hommes arrivent à s’évader du train. Le convoi met 2 jours pour arriver à Auschwitz
Convoi du 6 juillet 1942, dit convoi des 45000. Ils furent immatriculés à Auschwitz le 8 juillet 1942 entre les numéros 45147 et 45326 (d’où le nom de 45000).
Aucun document ne permet de connaître la date exacte de son décès au camp. Après la guerre, l’Etat civil français retiendra la date du 31 décembre 1944.
Léon Lochin a été reconnu comme déporté politique, mort en déportation. Son nom figure sur la stèle place du Mal. Foch et également sur une plaque sur la façade de la mairie.
Sur le convoi des 45000, seuls 119 sont en vie à la libération du camp.
Sources :
Sites : déportés politiques d’Auschwitz et Mémoire vive de la Résistance.
En marge de ce récit, Léon Lochin ayant été employé municipal, j’ai consulté les archives détenues sur lui à la ville. Les documents que j’ai trouvés sont intéressants car ils reflètent les mentalités de l’époque.
Alors emprisonné à Aincourt Léon écrit le 8 février 1941 au Président de la Délégation Spéciale qui gère les affaires de la ville. Dans ce courrier, il explique :
- il a été embauché par la ville en qualité de cantonnier le 4 juillet 1938,
- il a assuré cet emploi jusqu’à 31 août 1939 date à laquelle il a été arrêté comme jeune communiste,
- le 4 aout 1939 il pensait être nommé cantonnier stagiaire par M Routhier maire qui lui en avait fait la promesse,
- en mai 1940 cette inculpation a été reconnue non fondée et il a bénéficié d’un non lieu,
- il a demandé à reprendre son service ce qui a été refusé,
- il demande à bénéficier de la loi du 17 juillet 1940 qui prévoit le maintien de son salaire pendant 3 mois, or on ne lui a même pas payé le préavis accordé à un employé licencié,
- il explique qu’il est soumis au régime de séjour surveillé depuis le 5 octobre, il estime que n’ayant rien à se reprocher il espère être libéré à brève échéance et compte se marier aussitôt libéré;
- il en appelle à l’impartialité du Président de la Délégation spéciale.
La ville consulte la Préfecture sur ce cas. Dans la note manuscrite dans le dossier il est noté « M Lochin a quitté son emploi de lui même ou c’est tout comme » Il ne peut se prévaloir de la Loi de juillet 1940 qui s’applique à ceux qui ont été privés d’emploi par décision de l’administration qui les occupait. « A mon avis votre agent ne peut évoquer aucun texte, il tombe sous le coup d’un règlement de comptabilité publique qui n’a pas travaillé ne doit pas être payé »
Dans le dossier il y a la lettre de licenciement daté du 26 mars 1941.
Anne-Marie Winkopp