Noisy-Histoire n’a pas lésiné sur les moyens pour ouvrir cette nouvelle rubrique les NEW’S D’ANTAN, et ce, en faisant appel à son meilleur disciple, j’ai nommé Maître Jean.
Ce dernier va vous instruire une affaire totalement bizarre.
Affaire que vous pourrez raconter la veille de Noël à vos enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants en attendant minuit, histoire de les tenir éveillés.
Place à Maître Jean :
Mme la Présidente, membres du jury :
Je vais donc vous parlez de cette affaire bizarre, je dirais même triplement bizarre.
Bizarre, parce que notre personnage s’appelle Jean Pierre … Bizart, bizarre ? Non, car Bizart est son nom. C’est un peu comme dans le film Dîner de Cons où Juste Leblanc, Juste est le prénom ce qui n’est pas bizarre alors que pour Bizart ce n’est pas Juste mais Jean Pierre.
Bizarre, parce que notre affaire va connaître 2 versions.
Bizarre, bien qu’elle se soit déroulée à une centaine de kilomètres de Noisy le Sec, cette affaire laissera quelque temps un vide dans notre commune.
Mais qui est Jean-Pierre Bizart ….
Né à Hénin-Liétard près de Lens, le 26 août 1940, nous pouvons dire qu’il n’a pas eu beaucoup de chance dans sa vie le petit Jean Pierre. Déjà il ne se souvient pas avoir connu sa mère, puisque cette dernière abandonna le domicile conjugal alors qu’il n’avait que 5 mois.
Voilà que 4 années passent, pas de chance une nouvelle fois car c’est son père, qui à son tour quitte le foyer, mais lui, il est emporté par la maladie.
De la chance ou pas … c’est sa grand-mère, habitant Croisilles à une quarantaine de kilomètres de Lens, qui va s’occuper de lui. Il y passera sa jeunesse.
A 14 ans, il entre en apprentissage. Après 3 années passées dans un centre, le garçon vécut de menus travaux qu’il effectuait chez des particuliers ou dans des entreprises de la région.
Il était décrit comme un être faible, impulsif, vaniteux, pas très honnête, n’aimant pas le contact avec les gens.
2 années passent. Nous le retrouvons maintenant âgé de 19 ans, menuisier, finissant quelques menus travaux chez un débitant de Lens. Un soir, après avoir rangé son outillage, nous pouvons supposer que c’est par inadvertance, Jean Pierre va prendre 2 objets sans trop en mesurer les conséquences (ou pas) : une montre en or d’une valeur de 125.000 Frs et un pistolet 22 long rifle.
Jean-Pierre Bizart
Le 14 février 1959, peu avant minuit, Jean-Pierre prend un train pour la capitale, histoire d’y passer du bon temps. Il emporte avec lui quelques économies ainsi que son dernier butin, la montre en or et le pistolet. Nous pouvons supposer que Jean-Pierre va y passer un agréable séjour, cumulant restaurants, sorties nocturnes, Folies Bergères, etc.
Mais nous le savons tous, la vie parisienne n’est pas gratuite. Jean Pierre se trouva donc vite fort dépourvu quant la note fut venue. Les économies qu’il avait emportées fondaient comme neige au soleil, tout comme la somme retirée de la vente de la montre en or.
N’ayant plus un sous en poche, le sieur Bizart, songea donc à retourner à Lens en auto-stop. C’est ce matin du 23 février 1959 qu’il se mit en route, le bras tendu, le pouce en l’air, à la recherche d’une bonne âme qui pourrait bien l’avancer de plusieurs kilomètres en direction de sa ville de Lens.
C’est à la sortie de la capitale, après avoir marché longuement, qu’une voiture s’arrêta à sa hauteur. Le conducteur se pencha dans sa direction tout en baissant la vitre et lui demanda où il allait. C’est à partir de cet instant, que tout va basculer pour Jean Pierre.
Il lui répondit « je vais à Lens, M. le Curé« , je répète « je vais à Lens, M. le Curé » « bien mon fils, montez, nous allons faire un bout de chemin ensemble », lui répondit l’homme d’église.
C’est après plusieurs kilomètres, que Jean-Pierre va demander au prêtre de s’arrêter quelques instants, sur le bord de la route, pour se délasser et changer de chaussures, car ses pieds étaient endoloris. Comme le véhicule traversait un bois, l’ecclésiastique engagea sa voiture sur un petit sentier de traverse. Après une centaine de mètres, le véhicule s’immobilisa et les 2 hommes en descendirent pour se dégourdir les jambes.
Ouvrons une parenthèse sur cette scène : (nous pouvons imaginer « notre curé en Don Camilo, la soutane relevée jusqu’aux chevilles, faisant les cents pas autour de la voiture et en Pépone notre Jean Pierre, casquette sur la tête, assis sur un tronc d’arbre abattu, changeant de chaussures. – Fermons la parenthèse)
C’est au cours d’une discussion sur un sujet de nature un peu délicate, que le prêtre buta contre les racines d’un tronc d’arbre. Allant tomber au sol, ce dernier s’agrippa au jeune homme par l’épaule et la ceinture.
J’ai pris peur, dit Jean Pierre, j’ai demandé au prêtre de me lâcher, mais il me tenait toujours. Alors, je ne sais quelle colère s’est emparé de moi, mais j’ai sorti mon pistolet. Je lui ai donné un grand coup de crosse sur la tête et j’ai tiré à 4 reprises Pan, Pan, Pan, Pan, sur l’ecclésiastique, qui s’est écroulé.
Jean-Pierre Bizart venait de tuer l’Abbé Cochu de Noisy le Sec.
Un drame pour notre commune ??
Il n’y a peut-être aucun rapport familial entre l’Abbé Cochu et François Cochu, mais lorsque vous passerez passage Cochu, vous aurez une petite pensée pour Maître Jean bien sûr, et vous vous direz « maintenant je sais pour l’Abbé ».
(le passage François Cochu est situé entre les rues Carnot et Henri Barbusse. François Cochu était le propriétaire de ces lieux il y a fort longtemps -NDLR).
Revenons à notre tueur… Ce dernier, s’est agenouillé auprès de sa victime, … pour prier ? Non, Il lui faisait simplement les poches, à la recherche de quelques pièces de monnaie, s’étant dit qu’il n’en aurait plus besoin maintenant. C’est tout comme pour la voiture. Jean Pierre Bizart va en profiter pour rentrer chez lui, car cela ne sert à rien quelle reste là, l’Abbé n’en aura plus besoin se disait-il.
Un fois de plus, pas de chance. Ne maîtrisant pas bien la marche arrière, il a du mal à remettre la voiture dans le sens du retour. Après de nombreuses manœuvres pour sortir la voiture de ce sentier, Jean Pierre reprend enfin la route en direction de Lens.
Arrivé à destination, il déposa la voiture place de la République et regagna son domicile à pied, rue Pierre Brossolette, domicile qu’il partage avec un ami d’une cinquantaine d’années.
Extrait de presse :
« Amiens, 4 mars. – La voiture 2 CV de l’abbé Robert Cochu a été découverte mardi au début de l’après-midi, place de la République, à Lens, où l’avait abandonnée un jeune homme blond dont » l’attitude inquiète » avait été remarquée par un passant qui, ne reconnaissant qu’après coup le numéro minéralogique, ne put signaler à temps la rapide disparition de son occupant. Le jeune homme, 1 m. 70 à 1 m. 72, âgé d’une vingtaine d’années, vêtu d’un auto-coat gris et d’un pantalon noir, aurait déjà été vu en ville, à pied cette fois, dans la matinée.
Dans l’auto abandonnée, les enquêteurs découvrirent deux valises, l’une de fer, l’autre en cuir, et un magazine au titre déchiré – un exemplaire d’août-septembre 1958 du périodique Pages d’amitié. Sur la banquette on a trouvé un gant noir, qui peut avoir appartenu au prêtre, une boîte de cigarillos, un boîtier électrique et an fanion bleu marqué » Italia « .
Le procureur de la République a fait connaître les résultats de l’autopsie. L’abbé Cochu a été atteint de quatre balles – une au foie, deux au thorax et une à la tête – tirées avec une arme 22 long rifle. Trois douilles ont été retrouvées dans les feuilles mortes. Les projectiles auraient été tirés à faible distance, et les trois derniers l’ont été alors que le corps était déjà étendu.
L’inventaire minutieux des relations de la victime se poursuit en même temps que l’établissement de l’emploi de son temps du 23 au 28 février. Le prêtre se rendait fréquemment dans la région parisienne, et notamment à Noisy-le-Sec où ses parents possèdent un immeuble, 53, rue Jean-Jaurès, et où il partageait un appartement au quatrième étage avec le locataire habituel, un retraité.
Dans les parages de cet immeuble, au coin de la rue Saint-Jean et de la rue Jean-Jaurès, des témoins ont rencontré l’abbé Robert Cochu, seul, le dimanche 22 février à 23 h. 30. (NDLR, l’immeuble existe toujours.)
La police judiciaire a opéré une perquisition ce matin dans l’appartement de la rue Jean-Jaurès. »
Les jours passent…
C’est parce qu’ils avaient appris que Jean-Pierre Bizart s’était vanté de posséder un 22 long rifle, que les gendarmes de Croisilles vinrent l’interpeller un mercredi après-midi dans cette ville où il avait en fanfaronnant exhibé cette arme devant plusieurs camarades.
Le meurtrier ne fit guère de difficultés pour avouer. Il aurait déclaré que l’Abbé avait eu à son égard des gestes inconvenants
« je me suis fâché , dit-il, j’ai repoussé ses avances, mais comme il insistait et paraissait me menacer, j’ai pris mon arme et j’ai tiré. »
Il reconnut également avoir dépouillé l’Abbé de ses papiers, de son argent après l’avoir assassiné.
C’est ainsi que se termine cette première affaire de notre rubrique News d’Antan, en espérant que cette partie de l’histoire de Noisy le Sec vous a plu.
Admira et Jean Marqueteau
NDLR : nous avons trouvé aux Archives Municipales le document suivant
En 1957, l’abbé Cochu fait des offres de service à la Ville de Noisy le Sec pour « mettre au propre » le tome 2 du livre d’Hector Espaullard. L’offre n’a pas été retenue, le fils d’Hector s’étant opposé à la publication du manuscrit. L’abbé ignorait à ce moment là qu’une mort violente l’attendait…
Quelques mots sur le parcours de l’abbé Robert Cochu :
source : www.lemonde.fr/archives/article/1959/03/04/la-personnalite-de-la-victime-apparait-assez-trouble
L’abbé Robert Cochu est né le 26 avril 1919 à Couilly-Pont-aux-Dames (Seine-et-Marne). Il est le fils de fermiers aisés, qui exploitent à Fresnoy-la-Rivière, dans le canton de Crépy-en-Valois, une ferme de 400 hectares. Sans qu’il ait jamais eu, semble-t-il, la moindre vocation pour le sacerdoce, il aurait été poussé dans cette voie par ses parents, en dépit d’une nature assez fantasque et indépendante. Il fit des études normales, à peine terminées quand la guerre de 1939 éclata, et qu’il poursuivit jusqu’en 1944.
En 1948 Robert Cochu, sur sa demande, partait pour les Indes comme missionnaire. Il en revenait malade en 1952 et était nommé vicaire à Beauvais (Oise).
A la Noël 1952 l’abbé Cochu prenait possession de la petite paroisse de Villers-Saint-Frambourg, en lisière https://www.lemonde.fr/archives/article/1959/03/04/la-personnalite-de-la-victime-apparait-assez-trouble_2149789_1819218.htmlde la forêt de Senlis. Dans la semaine de Pâques il était arrêté pour attentat aux moeurs sur des garçons de douze ans. Il était condamné en 1953 à cinq ans de prison par la cour d’assises de l’Oise. Mais sa bonne conduite en prison lui valait d’être libéré conditionnellement à la fin de l’année 1957. Il fut envoyé alors à Paris dans un établissement de retraite religieuse et de réadaptation, où il séjourna plusieurs semaines.