Depuis le 4 septembre 1870 la France est sous le régime de la troisième république.
Les députés sont élus au suffrage universel par tous les hommes français âgés de plus de 21 ans.
Les sénateurs sont élus au suffrage indirecte.
Le président de la République, est élu par les deux chambres réunies en Assemblée nationale à la majorité absolue, il n’a qu’un rôle représentatif.
Il nomme le président du conseil.
Edouard DALADIER du parti radical, fut président du conseil des ministres entre avril 1939 et mars 1940.
Il signera les accords de Munich qui intégreront une partie de la Tchécoslovaquie, les Sudétes à l’Allemagne.
Après la prise du pouvoir par Hitler en 1933, Staline, conscient du danger qu’il représentait pour l’URSS, avait cherché des soutiens auprès des démocraties occidentales. Cela aboutit au pacte franco soviétique Laval-Staline, avec pour conséquences le renoncement du PCF à toute agitation antimilitariste et le ralliement à la défense nationale. Jusqu’en 1938, le PC défendit une politique visant à intégrer l’URSS dans un front international contre Hitler et proclamait : « Il faut une collaboration honnête, loyale, avec l’URSS, si l’on veut défendre la France. » Cela conduisit aussi le Parti Communiste à approuver les budgets militaires.
Le 26 septembre 1939, Edouard DALADIER, signait un décret-loi prononçant la dissolution du Parti Communiste.
L’article 2 de ce décret est rédigé comme suit :
Sont dissous de plein droit le parti communiste (SFIC), toute association, toute organisation ou tout groupement de fait qui s’y rattachent et tous ceux qui, affiliés ou non à ce parti, se conforment dans l’exercice de leur activité, à des mots d’ordre relevant de la Troisième internationale communiste ou d’organismes contrôlés en fait par cette Troisième internationale.
En conséquence, tous les élus de la république, députés, maires… appartenant à ce parti seront suspendus de leurs fonctions.
Le maire de Noisy-le-Sec, Monsieur Félix Justin ROUTHIER dû se retirer.
Il sera remplacé par un président de délégation spéciale.
La délégation spéciale a été créée en marge de la loi municipale du 5 avril 1884. Elle prévoit qu’en absence momentanée d’un conseil municipal une délégation spéciale, nommée initialement par décret du Président de la République puis par le préfet, gère provisoirement la commune. La délégation spéciale ne peut excéder trois citoyens dans les communes de moins de 35 000 habitants.
Le 5 octobre 1939 Monsieur Charles Henri Paul DURUP est nommé président de la délégation spéciale. Retraité de la SNCF, socialiste modéré, conseiller municipal depuis 1929. Ses adjoints sont Messieurs LEBLOND et ORY. Il prend la route de l’exode le 11 juin 1940 en empruntant la voiture municipale, donc sera démis de ses fonctions.
A son départ, c’est Henri LEBLOND, un des membres de la délégation spéciale qui le remplace et reçoit les Allemands à sa place.
A ce titre, Henri LEBLOND est nommé président de la délégation spéciale pour le remplacer.
Les deux autres membres de cette délégation sont Messieurs Charles ORY et Gabriel BERNIER.
Qui était Henri Leblond :
Il est né à Urzy dans la Nièvre le 13/04/1884, son père était couvreur.
Sur sa fiche militaire en 1905 il est décrit ainsi : Il est comptable, habite 21 rue Charles V à Paris 4ème. Il mesure 1m60 cheveux blonds yeux marrons, il a un niveau d’instruction n° 3 qui correspond à une instruction primaire. Sa mère est décédée. Il passe dans la réserve en 1908. A la guerre de 14/18, il est inscrit au contrôle des non affectés comme employé des chemins de fer de l’est. En 1927, il est muté à la gare de Noisy-le-Sec comme chef de bureau des services financiers.
Il habite 76 ter rue de Merlan à Noisy-le-Sec avec son père et concubine de celui-ci madame Marie Loiseaux née à Clary dans le Nord en 1856, ou 1857 (son acte de naissance a été détruit pour cause de guerre).
Le 1er février 1943, un rapport est demandé au commissariat de Noisy-le-Sec par le préfet de police, sur certaines personnalités.
Le rapport sur Henri Leblond est rédigé comme suit :
« Monsieur Henri Leblond est né à Urzy, chef de bureau honoraire des services financiers de la SNCF, habite 76 ter rue de Merlan. Il est anti communiste, sans activité extérieure, il ne s’est pas fait connaitre au point de vue politique. Maire de la ville de Noisy-le-sec, il jouit de la considération et de l’estime générale. »
Les dernières élections législatives ayant eues lieu le 12 mai 1935, les mandats des conseils municipaux se terminent en mai 1941.
Pour remplacer les élections qui ne peuvent avoir lieu, le 12 décembre 1940 est promulguée au Journal officiel la loi du 16 novembre portant sur la réorganisation des conseils municipaux :
Pour les villes de 2 000 à 10 000 habitants le maire sera nommé par le préfet, pour les villes de plus de 10 000 habitants par le ministre de l’intérieur.
L’article 12 de cette loi prévoit la nomination du conseil municipal pour les villes de 10 000 à 50 000 habitants. Voici un résumé de cet article :
Le maire nommé doit présenter au préfet une liste comprenant un nombre de candidats double du nombre de sièges à pourvoir.
L’article 13 prévoit que les nouveaux édiles devaient disposer de la qualité de français au sens où l’entendait le régime, les nominations devant en outre traduire ses nouvelles priorités, c’est-à-dire être faites de telle sorte que le conseil municipal compte obligatoirement parmi ses membres un père de famille nombreuse, un représentant de groupements professionnels de travailleurs, une femme qualifiée pour s’occuper des œuvres privées d’assistance et de bienfaisance nationales.
Presque simultanément, une loi du 14 novembre 1940 permet de déclarer démissionnaire d’office pour des raisons « d’ordre public ou d’intérêt général » tout conseiller municipal, la démission d’office étant prononcée par le ministres dans les communes de plus de 10 000 habitant. Une loi du 16 novembre 1940 ajoute à cette procédure celle de la révocation des élus municipaux, prononcée par le même motif par le ministre après mise en demeure adressée par le préfet.
Henri LEBLOND est nommé maire par l’amiral DARLAN le 9 juin 1941, sa nomination sera relayée par le préfet.
Au début de la seconde guerre mondiale l’Amiral DARLAN est le chef de la marine française.
Il rejoint le gouvernement de Vichy ou il est nommé ministre de la Marine puis, en février 1941, chef du gouvernement vichyste où il s’investit dans la politique de collaboration du maréchal Pétain avec l’Allemagne. A ce titre il est chargé de nommer les maires des villes de plus de 10 000 habitants dont Noisy fait partie.
Henri LEBLOND établit la liste des candidats au conseil municipal. Le conseil municipal est nommé le 21 mars 1942. Les adjoints au maire sont Messieurs Ulysse DURUP, Gabriel BERNIER, François PAROT et Charles ORY.
Les autres adjoints sont : Madame CAVANOT seule femme du conseil, elle représente la femme qualifiée pour s’occuper des œuvres privés d’assistance et de bienfaisance nationales. Les autres membres du conseil municipal sont Messieurs DEMARS, BOUGEANT, ESPAULLARD, LAFARD, GRANDJAEN, LEFEBVRE, LESSAGE, MORISOT, PENON, KEDION, le Dr SATTE, CHAISE, DARCHE, WITE et JACQUILLOT.
Le maire désigné gère les affaires de la commune selon les attributions constitutionnelles d’un maire et est aussi responsable de l’application des ordres donnés à la population par les autorités Allemandes.
Le 15 novembre 1940, il fait afficher un avis selon lequel les autorités Allemands se plaignent d’actes d’excitations à leur égard : bousculade, inscriptions injurieuses sur les murs…Il fait appel à l’esprit de compréhension pour éviter à la commune des actes de représailles.
Il distribue et informe sur les tickets de rationnement.
Pendant l’occupation les communes continuent d’être gérées normalement, un budget est établi avec des subventions aux associations, des prévisions pour les travaux…
Par exemple
Le 3 septembre 1940, la mairie achète une Renault d’occasion.
Le 1er décembre 1940 est voté la viabilité du boulevard Gambetta entre la rue Dombasle et le Boulevard Michelet.
Le 9 janvier1941 La réfection de l’hôtel des postes.
L’agrandissement de l’école Baudin.
Le 22 novembre 1941 : La préparation de la fête de la rosière.
En 1941 les subventions municipales font état de 1 500 francs à l’Olympique de Noisy, club de football qu’ils viennent de créer.
Le 26 avril 1944, le Maréchal Pétain vient à Paris pour reprendre contact avec la population et apporter son soutien aux populations sinistrées après les bombardements. Il fait un discours à Notre Dame.
Sur cette photo figure Henri Leblond, invité en tant que maire de la ville la plus sinistrée de la Seine.
Le Maréchal Pétain déclare : « Je viens vous faire une visite. Je ne peux m’adresser à chacun de vous en particulier, c’est impossible, vous êtes trop nombreux, mais je ne voulais pas passer à Paris sans venir vous saluer, sans venir me rappeler à votre souvenir.
Du reste, une circonstance malheureuse m’y a ramené. Je suis venu ici pour vous soulager de tous les maux qui planent sur Paris. J’en suis encore très, très, très attristé.
Mais c’est une première visite que je vous fais. J’espère bien que je pourrai venir facilement à Paris, sans être obligé de prévenir mes gardiens; je viendrai, je serai donc tout à l’aise. »
A cette occasion, une autre photo d’Henri Leblond a été prise en compagnie du Maréchal et de six autres maires des communes de la Seine :
De gauche à droite,
Maire de NOISY LE SEC 1940-1944, LEBLOND Henri décédé le 13 novembre 1946
Maire de SAINT MAUR, TETE Johannes décèdé le 4 février 1955 à NICE
Maire de THIAIS de 1941 à 1944, LASNIER Eugène Alexandre Auguste décédé le 9 juin 1946 à THIAIS à 70 ans
Maire de JOINVILLE de 1935 à 1944, LESESTRE Léon Joseph Alexandre décédé le 11 mars 1955 à JOINVILLE 78 ANS, fonctionnaire sous-Officier
Maire de la COURNEUVE du 11/09/1936 à 12/09/1963, DUMAY Arthur décédé le 12 septembre 1963 à la COURNEUVE 86 ans
Maire de VINCENNES 1929-1944, BONVOISIN Léon décédé le 11 novembre1946 à VINCENNES 68 ans
Sur les six maires photographiés, 3 sont décédés en 1946 dont Henri Leblond et Léon Bonvoisin à Vincennes le 11 et 13 Novembre 1946.
Le départ d’Henri LEBLOND :
A la Libération, les pouvoirs publics sont réorganisés par l’ordonnance du 21 avril 1944.
Cette ordonnance publiée à Alger porte sur l’organisation des pouvoirs publics en France après la Libération. Elle régit le fonctionnement du Gouvernement provisoire de la République française présidé par Charles de Gaulle.
Elle vise à jeter de nouvelles bases constitutionnelles, notamment en considérant la période du régime de Vichy comme une parenthèse : les élections libres à scrutin secret sont rétablies, ainsi qu’une grande partie des institutions et des mandats en vigueur à la fin de la 3ème République.
Son titre 1 est consacré aux conseils municipaux. Elle prévoit que jusqu’au jour où il sera possible de procéder dans chaque commune à des élections régulières, les conseils municipaux élus avant le 1er septembre 1939 sont maintenus ou remis en fonction. En conséquence, les conseils municipaux dissous, les maires, adjoints et conseillers révoqués ou suspendus après cette date sont immédiatement rétablis dans leurs droits, sauf le cas d’indignité pour délit de droit commun.
Corrélativement sont dissoutes, en vertu de la loi du 5 avril 1884 et du décret du 26 septembre 1939, les assemblées communales nommées par l’usurpateur, ainsi que les délégations municipales créées depuis le 1er septembre 1939.
Sont révoqués de leurs fonctions les maires, adjoints et conseillers municipaux qui ont directement favorisé l’ennemi ou l’usurpateur (article 4).
Les municipalités maintenues ou rétablies, qui n’atteignent pas le quorum, sont recomplétées provisoirement, sur avis du comité départemental de libération, par le préfet. Celui-ci désigne des Français et Françaises ayant participé activement à la résistance contre l’ennemi et l’usurpateur, en tenant compte, d’une part, de la majorité exprimée aux dernières élections municipales, et d’autre part des tendances manifestées dans la commune lors de la libération (article 5).
Les maires et adjoints décédés, démissionnaires ou révoqués, conformément à l’article 4 de ce décret sont remplacés par des élections au scrutin secret organisées par le conseil municipal, dès que celui-ci remplit les conditions légales de quorum.
En conséquence, à Noisy le 19 août 1944, vers 17 heures un groupe populaire est entré dans la mairie et à prier Monsieur LEBLOND de se tenir à disposition des responsables qui allaient arriver.
Le comité de libération national de Noisy le Sec constitué selon les directives du comité national de la libération, avisé du fait ci-dessus qui s’est passé en dehors de lui, s’est présenté à la mairie vers 18 heures trente et a avisé le maire qu’il se chargeait désormais de l’administration municipale.
Le comité de libération national est constitué comme suit :
Messieurs HANAPPE, QUATRENAIRE, LEFEVRE, BASSET, FAUCHER, NICKMILDER, PICARD, TISSERAND, LAVAL, BAUDELOT, DERMON et GAROT.
compte-rendu du conseil municipal
Le décès d’Henri LEBLOND :
Sur son acte de décès est inscrit :
Le 13 novembre 1946 à 18 heure est décédé en son domicile 2 rue Joseph Gaillard Henri Leblond sans profession, domicilié ordinairement à Bertry dans le Nord 4 rue Jeanne d’Arc (Sans autres renseignements)
Le décès déclaré par René Soudée chef de bureau aux pompes funèbres.
A l’analyse de cet acte de décès nous pouvons conclure que si le décès a été déclaré par le service des pompes funèbres, c’est probablement qu’il ne connaissait personne à Vincennes. Au 2 rue Joseph Gaillard, adresse du décès il y avait une boulangerie. Est-il tombé dans la rue et transporté dans la boulangerie ?
L’adresse de sa carte d’identité à Clagny est située dans le Nord. Cette maison est occupée par une famille composée des grands-parents, parents et enfants, il n’y figure pas au recensement de mai 1946.
Y avait-il habité ou était-ce une domiciliation sachant que Clagny se trouve à environ trois kilomètres de Blétry où était née sa belle-mère.
Pourquoi est-il parti ?
A t’il eu peur d’être peur d’être pris pour un collaborateur ?
Cette décision pourrait être étayée par sa déclaration au conseil municipal de juin 1944, où il répond à un rapport de la préfecture.
« J’y suis qualifié de pro fasciste, ce dont je me défends, car n’ayant jamais fait de politique et ne voulant jamais en faire, je ne sais sur lequel de mes actes on peut me classer ainsi. »
La coupe de sa petite moustache aurait t’elle pu faire douter les plus septiques ?
Annick Lefebvre