Les 21 et 22 septembre 2019, nous avons fait une balade urbaine dans la rue de Merlan depuis la place du Moulin Fondu jusqu’au Rond-Point du 11 novembre1918 ; déjà en mai 2017 pour les retraités du CCAS, nous avions parcouru la rue, guidés par un petit livret-questionnaire que nous avions élaboré sur l’histoire du quartier.
Aujourd’hui, nous parcourrons mentalement la rue depuis le haut, à la rue de Brément jusqu’en bas.
Mais auparavant quelques mots d’histoire.
Le hameau de Merlan est à distinguer du village de Noisy-le-Sec, même si c’est un écart de Noisy, terme d’Ancien Régime, c’est-à-dire un lieu séparé mais faisant partie de l’agglomération.
La rue de Merlan est la rue la plus ancienne de Noisy, attestée depuis le VIIe siècle. Son nom ne vient ni du poisson ni du coiffeur, nous dit H.ector Espaulard mais du Mons Morillon. Il s’agissait plutôt d’une butte, où Dame Ermentrude avait des terres, des vignes et en particulier un cépage, le morillon, célébré plus tard au XVe par le poète Villon. C’était un cépage précoce que l’on pouvait déguster dès le mois d’août au moment des fêtes du village. Dame Ermentrude légua ses quelques arpents de terres et ses vignes à ses serfs. Et de « morillon », par déformations successives, on est passé par Mellant, Mollant, Merlant, Villa, Mourlan…mais c’est au XVe que le mot Merlan s’est fixé.
Au passage, petite anecdote : en1880, lors d’un conseil municipal sous la présidence du maire Abel Bonnevalle, il a été proposé de donner le nom « Ernest Renan »à la rue : proposition rejetée.
A Noisy,il y avait en tout six seigneuries : trois au village même et une à Merlan, soit environ 1200 arpents ; plus quatre Abbayes possédant aussi quelques terres : l’Abbaye de St Denis, l’Abbaye de St Antoine, l’Abbaye de St Maur, congrégation de Bénédictins, qui était principalement une seigneurie spirituelle sur la paroisse Saint-Etienne, seule et unique pour l’ensemble du village.
Le fief de Merlan s’étendait sur environ 113 ha.au niveau de la rue actuelle de Chanzy,sur les lieux-dits La Grosse Borne, les Monteux, Moulin fondu, derrière Merlan (actuelle Cité expérimentale), Moulin Harvy…et sur Bondy Brichet,Vieux Château…
source : http://jf-coutel.com/pontonnier93.fr/bondy2012/Merlan/merlan_sgr.html
Passons sur les différentes familles qui se succèdent depuis Guillaume Du Mont qui acquiert le fief en 1577 et arrivons à la Révolution au moment où le seigneur est Edmé Olivier Picques qui, soupçonné de vouloir émigrer, verra ses terres réquisitionnées au titre des Biens Nationaux mais après quelques problèmes de successions avec sa sœur, celle-ci pourra administrer le domaine et les terres de Merlan ne seront vendus aux habitants qu’à sa mort en 1826.
Blason de la famille Picques
Nicolas Tripier déjà propriétaire de la majeure partie des terres du M.de Mauperché sur le village, sur le Londeau en acquiert une partie, ce qui fait de lui, le principal propriétaire terrien de l’ensemble de Noisy jusqu’en 1850, à sa mort, où toutes ses terres sont vendues.
Un plan du hameau en 1854.
Arrivons à notre époque : n’ayant pas connu l’urbanisation due à l’activité du chemin de fer et peu subi le bombardement d’avril 1944, la rue de Merlan a gardé son habitat rural quasi intact jusqu’en 1986, date de la rénovation d’une partie de la rue par Garry Faïf. De son passé viticole (jusqu’à la fin du XIXe) et puis par la suite, de ses activités de maraîchage, la rue a conservé ses maisons à un étage voire deux parfois, aux murs enduits à la chaux, la façade principale en corniche sur la rue avec moulures sous le toit ; un grand portail, porte charretière en simple lattes de bois sans ornement et une porte guichet, piétonne, à côté donnent accès à une cour généralement pavée, plus ou moins vaste et profonde, pour le matériel agricole, les petits animaux et les logements de la famille ou de locataires éventuels ; ces cours passent derrière les petites boutiques de la rue, pouvant leur servir de réserve et communiquent parfois entre elles par de petits chemins, formant ainsi de véritables labyrinthes.
Pour l’ensemble de la rue, il reste une dizaine de portes en bois, une douzaine de grilles et quelques cours en libre accès.
Une belle porte dans une cour au 72 rue de Merlan.
Beaucoup d’activités commerciales animaient la rue. Environ 35 petites boutiques :
-3 boucheries
– 4 boulangeries
-2charcuteries
-6 épiceries +1 Familistère+1 Comptoir Français
-3 laiteries +nourrisseries
-2 cafés
-2 merceries
-1 grainetier
-1 marchand d’articles de pêche
-1 pharmacien
-3 coiffeurs
-1 fleuriste
Une bonne douzaine d’artisans :
-1 teinturerie
-1 fumiste-couvreur
-1 tapissier
-2 transporteurs
-4 maçons
-1carreleur
-1 chauffagiste-plombier
-2 électriciens-serruriers
-1 cordonnier
-1 entreprise de nettoyage
-1 fabricant d’enseignes
Blibliographie :
– les Indicateurs Bijou pour les commerces des années 1923, 1956 mais surtout ceux de 1962 et de 1969.
– Noisy,village heureux,ville martyre d’Hector Espaullard
– et les témoignages nombreux de Marie Lerenard, Sylviane Claret, Claude Boisset, Jacqueline Vidalenc, Mme Dominique, Marianne Durupt et M.Boyer.
Nous allons descendre la rue depuis l’angle avec la rue de Brément en restant sur le côté pair, donc à droite et laissons-nous porter par notre imagination et naviguer entre hier et aujourd’hui.
• -Au n°2, à l’angle de la rue il y a actuellement un café fermé et sécurisé par des barrières « LePacific blue »,autrefois, vers 1939, le café (également épicerie) était tenu par la famille Siméon jusque vers 1960 ; en 62,c’est M.Calvo, et le café s’appelle alors le « 421 ».En 1969, l’épicerie à côté est tenue par M.Spécita.
Commençons à descendre. Signalons qu’en face, côté impair, c’est la Cité des Trois Bonnets et un seul commerce jusqu’à la rue Denfert-Rochereau.:
• -au n°16 il y eut un maître maçon M.Cochu (fin XIXe…).
• -au n°20 l’entreprise SEDET de revêtement de sol.(1962-69).
• -au 22,un couvreur chauffagiste.
• -au n°26 un maçon M.Guerrioux (fin XIXe).
• -au n°32 une boulangerie (…début XX).
• -au n°36 un maçon (fin XIX).
• Jetons un coup d’oeil en face, on voit actuellement un pavillon en meulière sur un assez grand terrain : en 1923, c’était un horticulteur.
• Nous arrivons à l’angle de la rue des Carrouges où il y avait, avant la rénovation, un petit immeuble où a vécu un personnage bien connu des fêtes de Merlan autrefois :Nénette Germon, nous en reparlerons ultérieurement. Traversons cette petite rue et à l’angle au n°1 la famille Germon vendait des œufs et le fils était transporteur.
Poursuivons notre descente de Merlan :
• -au n°52,dans la cour,il y avait un cordonnier Mario Maran,une entreprise de nettoyage Mecagri et un transporteur M.Poupart. Aujourd’hui,il reste une
• activité de menuiserie et de plomberie.
• -au n°58,la charcuterie alsacienne réputée la Maison Killing.
• -au n°60 un coiffeur M.Defaucheux puis M.Commentale.
• -au n°62 la boucherie de Merlan de Mme Mesnil, M. Schena, puis M.Spiecart.
A droite, au premier plan, la boucherie.
Arrêtons-nous pour regarder en face, côté impair :
• -au n°43 à gauche du porche,aujourd’hui « Merlan Bazar » fermé,il y avait une des 3 laiteries de la rue, celle de Mme Maran qui avec sa fille vendait le lait des vaches dont elle payait le fourrage à des paysans de Seine-et-Marne, on appelait cela une laiterie-nourrisserie ; toutes les deux, elles tenaient aussi une petite épicerie.
• -au même endroit, à droite du porche, le café « L’Ambassade de Merlan » M.Demay en 1962-69, puis M.Ferreira qui faisait aussi hôtel puis Malek et fils (1975…2000…)
• -au n°45 aujourd’hui une façade jaune et un porche vert (façon perroquet!) autrefois une épicerie puis un coiffeur et au fond de la cour un fumiste : M.Ladevez.
• -au 47 une épicerie générale exotique mais jusque dans les années 70, c’était un familistère, une des deux boutiques de grande dimension.
• -au n°49 une charcuterie, M.Lenain, vers 1923, puis un café-tabac : M.Subernielle puis JJ et Christiane Denyttenaere depuis 1969…et qui existait encore assez récemment, mais depuis fermé pour raison de sécurité.
• Dans la cour du 49 il y avait un fabricant d’enseignes.
Nous reprenons notre descente toujours sur le trottoir de droite et là nous arrivons :
• -au n°66 c’était une graineterie tenue par M. Levol puis une épicerie tenue par Jacqueline Péchon des années 1950 à 1980. Aujourd’hui transformée en simple logement.
• -au n°68 depuis le début du XXe siècle, il a toujours eu une boulangerie mais la renommée est venue avec la famille Guilbaud, célèbre pour leur gâteau «Le Marignan », qu’on venait de loin acheter en demandant « un 1515 » . M. Guilbaud a exercé jusque dans les années 90. Aujourd’hui, plus de trace de la boutique, c’est une habitation.
A gauche, la boulangerie Guilbaud.
« Les Péchon, les Guilbaud, Killing, Denyttenaere formaient la grande famille des petits commerçants. Amitiés, entre-aide, travail, solidarité et tolérance étaient leur crédo. » Georges Péchon, fils de Jacqueline Péchon.
• -au n°70 un tapissier dans la cour.
• -au n°74 une teinturerie M.Morize.
• -76bis un imprimeur « Cliffgraphie » en 1986.
• -au 80bis un électricien (et TV…) M.Durupt, puis une mercerie « La Corbeille à Ouvrage », tenue par Françoise Brun.
De là, portons nos regards vers l’autre côté, après le café cité ci-dessus au n°49, nous avons :
• -au n°51 une laiterie-nourrisserie, M.Paccaud : lait, fromage, yaourts : « A l’Alpe Blanche ». Aujourd’hui, un restaurant a essayé de s’installer « Au Chacal Grill », mais finalement sans succès, les aménagements sont stoppés. Il y avait aussi une épicerie M.Bellon puis M.Sarrazin en 1962-69.
• -au n°53 C’est la « Micro Folie » (à la place du groupe Opposito et à l’origine c’était une ferme ainsi qu’aux n°55 et 57: « le Hameau des maraîchers ».
• -au n°59 la 2e grande épicerie « Les Comptoirs Français »jusque dans les année 70-80…
• -au n°63 une mercerie « Pêle-Mêle » (1962…) puis « Au Gagne-Petit » (1970…)
Le n°63 débouche à l’angle avec la rue de Chanzy et nous de notre côté droit, nous sommes au n°82-84 où ont été construits de récents petits immeubles entre lesquels subsiste le beau pavillon (ex)Veuillotte en briques rouges, juste en face de la petite résidence assez récente du n°67 .
• -au n°67 donc il y avait la 3e laiterie-nourrisserie, celle de la famille Waldvogel. Fondée par Martin Waldvogel, venu de Suisse pour travailler dans une ferme en Seine-et-Marne et pour ensuite s’installer à Noisy : il allait chercher le lait dans une ferme à Verneuil. Avec toute sa famille, il a développé une grande activité laitière : fromages de toutes sortes , mousses au chocolat, yaourts. Ils avaient une chaîne moderne d’embouteillage de lait pasteurisé avec leurs propres bouteilles;mais des difficultés financières ont eu raison de leur entreprise (cf.notre site internet pour plus de détails).
http://www.noisylesec-histoire.fr/2013/11/la-laiterie-de-verneuil-67-rue-de-merlan/
• Du n° 80bis où nous étions arrêtés pour regarder en face,descendons un peu pour signaler 3 anciens commerces qui ont laissé place aussi à de simples habitations :
• -au n°90 une épicerie depuis 1923 M. Taillebois puis…en 1962-69 M. Breus.
• -au n°92 un coiffeur en 1923 M.André, puis un marchand d’articles de pêche, M.Gautier en 1962.
De là, nous voyons en face, entre les n° 73et75, 5 petites boutiques, les seules de la rue encore en activité (si on excepte l’épicerie du n°47).Mais avant :
-au n° 71,dans la cour, il y avait un électricien-serrurier M.Leibenguth .
Donc :
• -au 73 une boucherie chevaline (dont la base du fronton qui soutenait une tête de cheval est encore visible). : M.Hermann en 1962 puis M.Tavernier en 1969. Aujourd’hui tout récemment, après Shop Barber, une petite épicerie .
• -au n°73bis :
• -une boucherie:M.Pinson en 56, M.Chamignon en 62-69 et M.Tortevoix en 84-96 . Aujourd’hui Médiathai, pour l’informatique.
• -une boulangerie : M.Knech en56, M.Araza en 62, M.Ménage en 69. –aujourd’hui une épicerie.
• -au n°75 : un coiffeur : M.Robert (Bouygues) puis M.Sichler en 1969. Aujourd’hui une boulangerie.
• -une charcuterie : M.Pépin. Aujourd’hui un coiffeur.
• -au 75ter une entreprise de maçonnerie : les Etablissements Borre mais il n’en reste que des habitations.
Nous sommes arrivés en bas de la rue, à signaler encore 3 commerces sur le Rond-Point :
• -au n°1 et 98 de Merlan une fleuriste, aujourd’hui une habitation.
Et de l’autre côté du Rond -Point :
• -une pharmacie : M.Morizot en 1962 puis M.Fainberge en 1969.
• -une épicerie:M.Vassal en 1962 puis M.Marchand en 1969,
Aujourd’hui il ne subsiste qu’une épicerie.
Nous ne pouvons terminer ce parcours sans évoquer, en quelques mots, la tradition des fêtes de Merlan, depuis très longtemps.
Nous en citerons deux à des époques différentes :
-celles après guerre, pour le 14 juillet, animées par la « célèbre » Nénette Germon avec bal, orchestre, déguisements et jeux pour les enfants et d’autres pour les adultes comme le jeu du baquet d’eau à ne pas renverser, en collaboration avec le café « L’Ambassade ». Il y avait aussi un mât de cocagne.
-celles, plus tard, animées cette fois par un personnage que l’on appelait « le maire de Merlan » qui habitait dans une cour du n°49 ou 51 (on n’en sait pas davantage). Deux jours en septembre, des stands de foire étaient installés tout du long de la rue pour les petits et pour les grands .
Il y avait aussi un mât de cocagne et des compétitions de boules sur le terrain aménagé par la municipalité derrière le préfabriqué sur la place du Moulin Fondu.
Ainsi, nous pouvons dire que la rue de Merlan fut longtemps animée par les nombreux commerces que nous venons d’évoquer mais ce petit commerce a eu à souffrir de l’implantation de Rosny 2 ; les boutiques ont fermé les unes après les autres. Aujourd’hui ne subsistent que les 5 petites boutiques du bas de la rue plus l’épicerie exotique du n°47 et celle du Rond-Point, sans parler du café répertorié sur la rue Marceau. La vie de village avec les enfants jouant dans la rue, dans les cours et où tout le monde se connaissait, cette vie-là a largement disparu ; chacun se replie sur son petit bout de jardin caché derrière des grilles , des palissades…Espérons que la Micro Folie apportera un regain de vie et de lien social.
Marie José Gladieux
4 commentaires
Paccaud Bernard says:
Juin 29, 2020
Bravo pour votre article.
Mon oncle tenait un commerce au 51 de la rue de Merlan (Maurice Paccaud), laiterie. Le frère de ma grand-mère s’appelait Germond et tenait un commerce rue de Carrouges. S
L’une de ses filles était la nenette dont vous parler dans votre article. Je l’ai bien connue dans les dernières années de. sa vie alors qu’elle habitait en Suisse.
Meilleures salutations.
Duethe says:
Oct 30, 2021
J’ai habité au 49 de 1947 à 1966.cette rue est le début de ma vie.
Péchon Georges says:
Déc 24, 2022
Bravo pour votre article qui me remémore mon enfance et une époque où la rue de merlan était pleine d’effervescence et de commerçants hauts au couleur. Avec toutes ces cours adjacentes, c’était un terrain de jeux et d’aventures extraordinaires pour nous lorsque nous étions enfants. Je suis le fils de Jacqueline Péchon qui tenait l’épicerie du numéro 66 de la fin des années 50 à celles des 80. J’aimerai bien que vous la citiez dans votre article auprès des Guilbaud, Killing, Demittenayre … car ils formaient tous ensemble la grande famille des petits commerçants de l’époque. Amitiés, entre-aide, travail, solidarité et tolérance étaient leur credo.
ROUZIC Viviane says:
Fév 13, 2024
Je prends connaissance de cet article qui me mets la larme à l’oeil car il me rappelle mon enfance et mon adolescence .Nous habitions rue des Carrouges qui est la première rue à gauche en montant la rue de Merlan et j ‘allais faire les courses avec ma mère chez tous ces commerçants notamment la charcuterie chez Madame KILLING et l ‘alimentation chez Madame PECHON sans compter la boulangerie , le tabac ,une laiterie également qui vendait du lait frais dans des bouteilles en verre et des yaourts ….les rues étaient en pavé et le rémouleur passait …
Je suis née en 1957, cela donne une idée de l’époque !
C’était une vie de banlieue et à la fois de campagne merveilleuse ….
Merci infiniment pour cette article .
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