Partons à la découverte d’un personnage, certes aujourd’hui bien oublié, y compris des Noiséens, mais qui a marqué l’histoire de notre ville pendant ses 17 années de présence à la Cure de Saint-Etienne de Noisy-le-Sec. C’est pendant sa mandature que se déroula la fameuse « histoire des Croix » qui défraya la chronique pendant longtemps et que l’on va relater, ainsi que sa vie, dans cette 1ère partie. Fernique fut aussi savant, inventeur, organisateur de voyages et de pèlerinages (2ème partie).

Ses relations avec la municipalité, avec ses paroissiens, furent souvent houleuses en cette période charnière de la fin du 19ème siècle et le début du 20ème : profondes mutations politiques, économiques et sociales ( débuts de la 3ème République, révolution industrielle, montée en puissance de la classe ouvrière, apparition du syndicalisme, nouveaux partis de « gauche », paupérisation des banlieues, affaire Dreyfus…). Avec le développement du chemin de fer et l’apparition de nombreux ateliers et usines, Noisy-le-Sec n’est plus le petit village agricole qu’il fut durant des siècles et la population rurale va progressivement céder la place à un prolétariat populaire.

Etienne Victor FERNIQUE est né le 26 février 1836 à Paris rue du faubourg Poissonnière. C’est le fils de Clément Fernique (+ en 1871), professeur de mathématiques, et de Joséphine Delanneau (1807-1847), sa première femme. Et le petit-fils de d’André Simon Fernique (1780-1858) et de Marie Guillotin.

arbre généalogique

Carriere eccles.Abbé FerniqueIMG

relevé de sa carrière ecclésistique

Après des études à Rome, il y fut ordonné prêtre le 5 avril 1862. C’est le 25 octobre qu’il fût nommé Curé de Noisy-le-Sec, après avoir été vicaire dans plusieurs paroisses de PARIS ;

Nomination à Noisy-le-Sec

Nomination à Noisy-le-Sec

Photo de l’abbé Fernique, à une date indéterminée. (Documents Archives Diocèse de Paris et internet)

P1200488

Lors de son discours d’installation, Monseigneur Le Rebours, qui présidait la cérémonie rappelle les mérites de l’abbé Fernique :

« Lors de la guerre de 1870, il parcourut avec lui les champs de Noisy et des alentours pour distribuer aux blessés et aux affamés leurs soins et leurs aumônes » (La semaine religieuse du 9 novembre 1889) .

L’abbé FERNIQUE à Noisy-le-Sec :

-Transfert du presbytère de la rue de l’église à la rue Cottereau (1892)

-Installation d’un calorifère dans l’église (1893)

-Eclairage au gaz de l’église (1895)

-L’abbé Fernique obtient la création d’un 2ème vicariat à cause de l’augmentation de la population (28 février 1896)

-Pose de la première pierre de l’hospice St Antoine de Padoue : le 14 juin 1896 (sources : H.Espaullard)

1ère pierre St Antoine

L’affaire des croix :

3 maires successifs de Noisy pendant « l’affaire » : Charles-Abel Bonnevalle, Jean Auguste Lejeune et Pierre-Auguste Beaufils Espaullard.

maires1

maires2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous prétexte de troubles à l’ordre public, les processions sont interdites sur le territoire de la commune :

-1er arrêté : le 20 -9 -1892 (Ch.A. Bonnevalle)

Nous, Maire de Noisy-le-Sec. Vu la Loi du 5 avril 1884, Vu le voeu émis par le Conseil Municipal. Considérant que les cérémonies religieuses qui se font en dehors du temple sont assujetties à l’indifférence et à la critique d’un grand nombre de personnes qui ne professent pas la religion catholique. Considérant que les processions constituent une  entrave à la libre circulation et qu’il peut en résulter des scènes regrettables pour la dignité du culte,

Arrêtons : Les processions sont supprimées dans toute l’étendue de la commune de Noisy-le-Sec.

-1895 : élection à la mairie de J.A. Lejeune, radical-socialiste, réélu en 1897.

-14-6-1896 : Pose de la 1ère Pierre de l’hospice St Antoine. Confirmation des enfants et procession avec le célébrant, Mgr Potron, évêque de Jéricho, sur 200m entre l’église et le terrain des sœurs.

-Le maire Lejeune rappelle l’interdiction de 1892 et assigne le Curé Fernique devant le tribunal de simple police de Pantin le 18-6-1896.

-Comparution au tribunal le 7-8-1896. Jugement : acquittement du Curé Fernique.

procès

Extrait de La Semaine Religieuse – août 1896

Compte-rendu du procès

-Réaction du maire : le 12-8-1896, il ordonne l’enlèvement des croix et calvaires et d’en abattre les débris (délibération du Conseil, voté à l’unanimité moins une voix). 3 croix sont supprimées : la croix rue de Pantin, la croix du bout de Brément, la croix des Petits noyers, rue Denfert.

croix

Caricature de la destruction des croix

croix 2

Le Pélerin du 8 septembre 1896 n°102

-Réaction du Curé Fernique à la fin de la messe suivante. Indignation des habitants : des crucifix et des croix sont placés aux fenêtres par les fidèles.

-Réaction du maire : un 2ème arrêté d’interdiction est pris le 20-10-1896.

Le Maire de Noisy-le-Sec, Vu la Loi du 5 avril 1884, article 97, Vu l’avis émis par le Conseil Municipal, Considérant que les cérémonies religieuses hors du temple sont susceptibles d’amener, entre les citoyens, des conflits qu’il est du devoir de la municipalité de prévenir :

Arrête : Article premier : Les cérémonies religieuses, telles que les processions, les cortèges, etc sont interdites sur le territoire de la commune.

Article 2 : Les dispositions ci-dessus ne sont pas applicables aux enterrements.

Article 3 : Le Commissaire de Police, la Gendarmerie et les gardes champêtres sont chargés de l’exécution du présent arrêté

-Juillet 1897 : nouveau conseil municipal et démission de la plupart des conseillers.

-Nouvelle élection : la liste du maire Lejeune est battue et la liste d’opposition est élue : Pierre Auguste Beaufils Espaullard devient le nouveau maire (18-7-1897).

-Celui-ci démissionne fin 1897 pour raisons de santé.

-Election d’Adrien Adolphe Damoiselet comme nouveau maire. Il restera en fonction jusqu’en 1908.

L’abbé FERNIQUE à Noisy-le-Sec de 1898 à 1906

-Malgré la conclusion heureuse pour lui de ses démêlés avec les municipalités, « son tempérament vif et actif et sa rude franchise étaient diversement appréciés ». Deux faits le corroborent :

  • il a renouvelé totalement la composition du Conseil de fabrique, introduisant des membres nouveaux récemment Noiséens, au grand dam de la population locale implantée depuis longtemps (protestations auprès des instances religieuses).
  • le refus du curé Fernique d’enterrer religieusement un enfant sous prétexte que le jour d’inhumation demandé par le père ne lui convenait pas : « J’ai dit non, c’est moi le maitre ici ! »

– En 1906, l’abbé Fernique, âgé de 70 ans, se résigne à quitter Noisy. Il se retire à Palaiseau, puis à Paris où il mourut le 18 janvier 1915. Son convoi eut lieu en l’église St Jacques du Haut-Pas le 20 janvier. Il fut enterré au cimetière du Montparnasse (sa tombe vient d’être relevée récemment en 2013). Il avait souhaité être enterré à Noisy, mais les conditions, en pleine guerre, ne le permirent pas.

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Voilà l’histoire d’un personnage haut en couleurs, très controversé, attachant par certains points mais contestables par certains autres, en tout cas une personnalité qui a marqué l’histoire de la paroisse Saint-Etienne et celle de la ville de Noisy-le-Sec.

En septembre 1906, son successeur à la cure de Noisy-le-Sec, l’abbé Merley fait, comme c’est la coutume, l’éloge de son prédécesseur :

« C’était un homme de bonne volonté, tout d’une pièce. Il avait du cœur et une grande charité pour les malades pauvres. Il savait instruire les enfants du catéchisme et les enrôler dans les patronages. Il vous laisse une église et une sacristie en très bon état et des confréries actives. Il a fait les demandes nécessaires pour obtenir une chapelle « de secours », ayant déjà acheté le terrain nécessaire [ce seront plus tard la chapelle puis l’église Saint-Jean-Baptiste]. Monsieur Fernique fut un travailleur, très instruit dans les choses sacrées et cultivait dans ses loisirs d’autre sciences plus humaines » (voir la 2ème partie). (Semaine religieuse de Paris du 30 septembre 1906)

 

Jean Bergé