Henri Salvette est né à Lyon le 24 février 1878. Il fait son service militaire à Laon au 45ème régiment d’infanterie.
Il épouse Marie à Paris le 14 avril 1904. Leur fils Maurice nait le 8 janvier 1908. A cette même période, la famille décide de quitter Paris et achète un terrain à construire à Noisy-le-Sec, rue Hélène. La maison est bâtie.
Durant le conflit, il est mobilisé au sein de la 12ème Compagnie du 15ème Régiment Territorial. Il est âgé de 36 ans et a le grade de Caporal. Le 1er février 1915, il est gravement brûlé aux mains et au visage dans l’incendie d’un abri dans lequel il se trouvait en service d’avant poste.
Il est hospitalisé à l’hôpital temporaire n°5 de Verdun où il reçoit les premiers soins.
Hélène, sa femme lui rend visite dès le 7 février.
30 mars 1915, il est transféré à l’Hôpital de la Charité de Lyon qui est spécialisé dans les soins à porter aux grands brûlés. 25 septembre 1915 sa femme, accompagnée de son fils, font le voyage en train grâce à une réduction de 75% du billet de la Compagnie de Chemins de Fer.
Henri Salvette se remet progressivement (à droite sur la photo ci-dessous).
Photographié avec le personnel de l’hôpital. Henri, assis à gauche sur la photo, porte un calot pour dissimuler son cuir chevelu qui a reçu une greffe de peau.
10 avril 1917, Henri Salvette est autorisé à rentrer à Noisy-le-Sec à son domicile pour y passer sa convalescence. Le 26 du même mois, il reçoit l’insigne spécial pour les blessés de guerre (port du ruban avec étoile émaillée rouge).
Puis commence les longues démarches auprès du centre de réforme de Clignancourt.
11 octobre 1920, Henri est convoqué à l’Hopital du Val de Grâce en vue de la confection de son appareillage.
1921, l’obtention de la pension d’invalidité est en bonne voie.
Henri Salvette est décédé à Noisy-le-Sec le 14 juin 1940. Il a rédigé un carnet de tranchées dont nous extrayons le récit de sa blessure.
« Février
1er – Blessé à 3 heures du matin, le gourbi est tout en flamme et j’ai pu être retiré des flammes par Uggerie je suis revenu avec Dhelly à Hautecourt ou j’ai été chez le Capitaine et ensuite à l’infirmerie de la compagnie mais comme il n’y avait aucun médicament j’ai été à l’infirmerie du bataillon qui se trouve à Abaucourt et j’ai attendu le Major jusqu’à 8 heures ensuite à 9 heures j’ai monté dans la voiture d’ambulance. Madame Delacour m’a fait un grog et à 10 heures je partais sur Verdun où j’ai été conduit à l’infirmerie de Chevest avec Labetoulle mais comme le Major ne pouvait rien faire j’ai simplement passé la nuit.
2 – L’auto ambulance est venue me chercher et m’a conduit à l’hôpital d’évacuation et de là j’ai été à l’hôpital militaire près de la cathédrale. Depuis le 3 jusqu’au 10 février à l’hôpital où je suis mal soigné et mal nourri heureusement que Marie est venue une huitaine.
10 – L’après midi je sui évacué vers le centre, à 6 heures on m’embarque dans le train sanitaire.
11 – à 3 heures du matin le train s’arrête et j’attends 3 heures avant que l’on me descende et je sais que c’est un hôpital d’évacuation. On me panse les mains et l’infirmier me donne à manger ensuite à 2 heures et demi je reprends le train et à 3 heures nous partons.
12 – Arrivé à Lyon a 10 heures du matin et on me met dans le tram et j’arrive à la Charité à 11 heures salle Chalnière ou l’on me fait le pansement . Le médecin qui me soigne est M. Pollosson, les aides sont M. Michou, Melles Bo et Maraicher. Les infirmiers sont Blain et Durand. Au cours du temps que je passe à la Charité j’ai fait la connaissance de M. et Mme Faure et de sa demoiselle, de Mme Piolet , de M. Baty et de M. Royet. Au mois de Juillet le 27, j’ai rechuté et je reste couché jusqu’à la fin d’août. J’occupais le lit n°8. »
Source : Madame Salvette, sa petite fille. Un grand merci pour sa disponibilité et sa confiance.
Les gueules cassées, sourire quand même.
L’histoire des gueules cassées ne commence réellement qu’avec la Grande Guerre 14-18. Par rapport aux guerres du siècle précédent, le nombre des blessés et la nature des blessures ont radicalement changé. Il faut rappeler le nombre incroyable et jamais vu jusqu’alors des pertes de cette guerre.
1 400 000
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morts français |
2 040 000
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morts allemands |
850 000
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morts anglais |
114 000
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morts américains |
1 700 000
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morts de l’ empire russe |
1 500 000
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morts autrichiens hongrois. |
En Europe, au lendemain de la guerre, on compte environ 6,5 millions d’ invalides, dont près de 300 000 mutilés à 100 % : aveugles, amputés d’une ou des deux jambes, des bras, et blessés de la face et/ou du crâne. L’emploi massif des tirs d’artillerie, les bombes, les grenades, le phénomène des tranchées où la tête se trouve souvent la partie du corps la plus exposée ont multiplié le nombre des blessés de la face et la gravité des blessures.
Les progrès de l’asepsie et les balbutiements de la chirurgie réparatrice permettent de maintenir en vie des blessés qui n’avaient aucune chance de survivre lors des conflits du 19ème siècle.
Ces broyés de la guerre gardent la vie, mais c’est pour vivre un nouveau cauchemar.
Les regards, y compris parfois, ceux de leur famille, se détournent sur le passage de ces hommes jeunes, atrocement défigurés.
Ils ont honte de se montrer, ils ne savent où aller. Ils sont sans travail et rien n’a été prévu pour eux. Ni foyer entre deux opérations, la reconstruction du visage pouvant nécessiter plusieurs années, ni pension, car à cette époque la blessure au visage n’est pas considérée comme une infirmité et n’entraîne donc aucun droit à pension d’invalidité.
C’est dans cet abîme de détresse que quelques-uns d’entre eux, refusant le désespoir et la pitié, s’élevèrent au-dessus de leur condition de mutilé pour proclamer leur humanité.
Le 21 juin 1921, à l’initiative de deux « grands mutilés», Bienaimé Jourdain et Albert Jugon, une quarantaine de soldats blessés au visage créent l’Union des Blessés de la Face, qu’ils surnomment les » Gueules Cassées « . Ils en confient la présidence au Colonel Yves Picot. Leur devise » Sourire quand même « , leur arme, la Solidarité.
source : www.gueules-cassees.asso.fr