Prévôté de Paris Hors-murs

L’institution des Etats Généraux est créée par Philippe le Bel en 1302 pour donner une apparente légitimé à ses décisions. 

Philippe Le Bel

Elle est divisée en trois ordres, la noblesse, le clergé, et le tiers état. Le vote se fait par ordre. Les députés sont élus dans tout le royaume.

Les 3 ordres

Chaque ordre est chargée de rédiger et d’apporter des cahiers de doléances.

Cette assemblée n’avait plus été réunie depuis 1614 par Louis XIII.

Louis XIII

Suite aux difficultés économiques des années 1780 dues notamment à la guerre de sept ans, Louis XVI et son ministre des finances Jacques Necker décident de convoquer les états généraux dans le but de lever de nouveaux impôts. Le roi en fixe l’ouverture au 1er mai 1789 en soulignant qu’il jouit d’avance du consolant espoir de voir des jours sereins et tranquilles succéder à des jours d’orage et d’inquiétude. 

Jacques Necker

Louis XVI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les habitants du royaume attendent les élections avec la plus vive impatience.

Cette attente est illustrée par la déclaration de Emmanuel-Joseph Sieyès, souvent appelé « l’abbé Sieyès » (S I E Y E S, à ne pas confondre avec Jean Alexandre Seyes S E Y E S inventeur du formatage du papier portant son nom) :

L’abbé Sieyès

Qu’est ce que le Tiers Etat ? Tout

Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien

Que demande t’il ? A devenir quelque chose.

 

 

En 1789, la France compte environ 26 millions d’habitants, dont 100 000 appartenant à la noblesse, et 160 000 au clergé.

L’administration française est divisée en Baillage ou Sénéchaussée. Cela correspond aux divisions administratives du royaume. Le terme baillage est utilisé dans le nord et l’est de la France, la sénéchaussée dans le sud et l’ouest. Par exception la région Parisienne est appelée Prévôté.

Il y aura 330 députés pour la noblesse, 326 pour le clergé et 661 pour le tiers état.

Le nombre de députés par baillage est décidé en fonction de sa population et de la contribution qu’elle apporte aux finances de l’état.

Tous les baillages et sénéchaussées sont représentés y compris celles d’Outre-Mer, on trouve par exemple Pondicherry et la Guadeloupe.

La Prévôté de Paris correspond à peu près à la région Ile de France actuelle.

Prévauté de Paris

Pour les élections, la Prévôté de Paris est divisée en deux : d’une part Paris et ses faubourgs qui correspond au Paris actuel, et Paris hors murs regroupant les départements de la région parisienne dont Noisy-le-Sec fait partie.

Elle compte environ un million d’habitant, dont 500 000 pour la prévôté de Paris hors-murs.

Participent aux élections :

Pour la noblesse tous les hommes votent, y compris les garçons en bas âge qui peuvent se faire représenter.

Pour le clergé, tous les ecclésiastiques.

Pour le tiers Etat les hommes âgés de plus de 25 ans et « inscrits au rôle des impositions ».

Pour Louis XVI, ce mode de scrutin est juste car il n’y a que peu d’exclus. Ce sont les journaliers, manœuvres, gagne-deniers sans la moindre propriété, les ouvriers et les domestiques.

Chaque commune est chargée d’élire des électeurs qui iront les représenter à l’élection des députés du tiers état et de rédiger ses cahiers de doléances.

exemple de cahier de doléances

En 1789, Noisy-le-Sec comptait 1 300 habitants pour 299 feux. Pour cette population seulement 60 votants répondent à ces critères. Ils doivent élire 3 délégués pour représenter la commune à l’élection de la prévôté. C’est le nombre minimum de représentants pour les communes de moins 200 votants.

Le lundi 13 avril 1789, l’assemblée des électeurs de la commune est convoquée de manière habituelle au son de la cloche pour se réunir en la chambre du conseil de l’audience de Noisy.

Sont élus : (comme ils sont déjà sur le site je vous les rappelle pour ceux qui les auraient oubliés)

  • Pierre Marcel Cottereau, notaire.
  • Etienne Nicolas, procureur fiscal.
  • Jean Cottereau, marchand et propriétaire, syndic perpétuel. 

(Dans l’ancien régime un syndic est élu par sa communauté pour remplacer le seigneur dans la commune. Au début du XVIII siècle, la monarchie crée et vend la charge de Syndic Perpétuel pour réduire les pouvoirs des seigneurs au profit du roi. Le syndic perpétuel est en charge de garder tous les papiers de la communauté, de conseiller le syndic ordinaire, de gérer toutes les correspondances avec l’administration royale et de surveiller tous les impôts perçus.)

Un dimanche après la messe, on vint annoncer aux paysans qu’ils devaient se réunir pour rédiger des cahiers destinés à faire parvenir leurs plaintes au roi. Pour les aider, de Paris furent envoyés des modèles qui parfois furent recopiés tel quel.

Comme dans tout le royaume les habitants de Noisy ne connaissaient que ce qu’ils voyaient autour d’eux. La terre qu’ils cultivaient, mouillée de tant de sueur, était chargée de mille servitudes, qui paraissaient encore plus pesantes après l’hiver si rigoureux de l’année 1787-1788. Donc c’est avec enthousiasme que ces cahiers furent élaborés.

Extrait des cahiers de doléances de Noisy Le Sec :

Art 3 : La suppression de tous les impôts sur le cultivateur et l’établissement de l’impôt territorial.

Art 4 : L’abolition de corvées.

Art 8 : La destruction des lapins.

Art 12 : Une augmentation des revenus aux curés et aux vicaires.

Art 14 : Qu’il ne soit plus envoyé d’argent à Rome pour les annates, et que ces sommes soient  employées aux réparations des presbytères actuellement à la charge des provinces.

Art 19 : La réforme du code civil et criminel.

Art 21 : La suppression des privilèges exclusifs, comme odieux et infiniment nuisible ; permission aux habitants de Noisy et à tous ceux des paroisses voisines de Paris d’aller prendre aux fossés de Montfaucon les gadoues, absolument nécessaires à l’engrais des terres.

Art 22 : La diminution du prix du pain.

Ces cahiers qui paraissent trop élaborés sont-ils rédigés par Maître Cotereau notaire ou recopiés dans les listes qui circulaient ?

L’élection de la Prévôté Paris Hors-murs :

Pour le Tiers-Etat, les élus des communes doivent se réunir le 18 Avril 1789 pour élire les grands électeurs qui les représenteront à l’élection des députés de la prévôté.  Ce jour environ 1800 élus des communes représentant environ 600 paroisses se présentent. Ils élisent les 450 grands électeurs qui sont convoqués à Paris.

Archevêché de Paris

L’élections des députés de tous les ordres est prévue le vendredi 24 avril 1789 à 7 heures du matin dans la grande salle de l’Archevêché de Paris.

La grande salle de l’Archevêché

Sont convoqués :

  • Tous les nobles de la prévôté, soit 312 membres. Versailles en fournissant le plus gros contingent.
  • Tous les ecclésiastiques officiant dans la prévôté, 540 membres auxquels il faut ajouter 572 procurations. (Les curés officiant unique dans une cure n’étant pas obligé de se déplacer).
  • Les grands électeurs du tiers-état élus le 18 avril, environ 450 députés.

Pour la prévôté de Paris Hors-murs 12 sièges sont prévus. 3 pour la Noblesse, 3 pour le Clergé et 6 pour les Tiers Etat.

Le 24 avril, après avoir entendu une messe à Notre Dame, l’assemblée regagne la grande salle de l’archevêché.  Les débats commencent :

Les points suivants font l’unanimité :

  • La prévôté comptant environ 500 000 habitants est sous-représentée, il faudrait pour équilibrer avec les autres baillis 8 sièges de plus. Des émissaires sont immédiatement envoyés à Versailles pour porter réclamation. Il leur est accordé 4 sièges de plus soit. 1 pour la Noblesse, 1 pour le Clergé et 2 pour les Tiers Etat.
  • Les impôts doivent être payés par tout le monde, nobles et clergé compris.

Sont élus :

Clergé.

  1. Le Guen Pierre-Marie, curé d’Argenteuil.
  2. Melon de Pradou Martial, curé de Saint-Germain-en-Laye.
  3. de Beauvais Jean-Baptiste-Charles-Marie, ancien évêque de Senez.
  4. de Coulmiers François Simonnet, abbé d’Abbécourt, ordre des Prémontrés.

Noblesse.

  1. du Val d’Eprémesnil Jean-Jacques, chevalier, conseiller au parlement de Paris.
  2. Duc de Castries Armand Maréchal des camps et armées du roi, Lieutenant général de la province du Lyonnois et Forez.
  3. d’Ormesson de Noyseau Anne-Louis-François, président à mortier au parlement de Paris.
  4. de Crussol d’Uzès Alexandre, maréchal des camps et armées du roi, chevalier de ses ordres.

Tiers état.

  1. Afforty Pierre, laboureur à Villepinte. (Un laboureur vit de l’exploitation des terres dont il est propriétaire contrairement au cultivateur qui loue des terres)
  2. Duvivier Pierre-Charles, laboureur à Bonneuil-en-France.
  3. Chevalier Étienne, vigneron à Argenteuil.
  4. Target Guy-Jean, ancien avocat au parlement, l’un des quarante de l’Académie française.
  5. Ducellier François-Jacques, ancien avocat au parlement et cultivateur à Combault.
  6. de Boislandry François Louis, négociant à Versailles.
  7. Lenoir de la Roche Jean-Jacques, avocat au parlement.
  8. Guillaume Louis-Marie), avocat au parlement et aux conseils du roi, juge de Saint-Cloud.

Les députés élus des trois ordres seront chargés de rédiger les cahiers de doléances de la prévôté regroupant ceux des communes.

Voici quelques revendications relevées dans ces cahiers :

Les cahiers de doléances de la noblesse :

  • Vote par ordre, et non par tête.
  • Responsabilité personnelle des ministres, notamment du ministre des finances.
  • Vérification du budget de l’état par les états généraux.
  • Paiement des impôts par le clergé.
  • Education nationale ouverte à tous les enfants.
  • Uniformisation des poids et mesures.

Les cahiers de doléances du Clergé :

  • Meilleure répartition des grains dans les paroisses.
  • Le clergé accepte de payer des impôts.
  • Education des peuples à la foi par les ordres réguliers.
  • Des écoles gratuites pour l’éducation des enfants.
  • Suppression des loteries car ce sont des pièges tendus à la cupidité.
  • Création des maisons d’enfants trouvés dans tout le royaume.
  • Interdiction des livres et desseins obscènes et impies pour ne pas corrompre le peuple…

Les cahiers de doléances du tiers état :

  • Paiement des impôts par tous
  • Vote par tête
  • Une loi fondamentale et constitutionnelle : que tous les hommes naissent libres et aient un droit égal à la sécurité et à la propriété de leur personne et de leurs biens.
  • Abolition des corvées.
  • Conservation du gouvernement monarchique avec un pouvoir législatif.
  • Que les ministres et autres agents de l’administration soient responsables envers la nation de l’autorité qui leur est confié.
  • Rédaction d’un code civil.

Pendant ce temps à Versailles, le roi prépare la tenue des Etats Généraux. Il aménage une salle provisoire à colonnes dans l’hôtel des Menus Plaisirs pour l’assemblée des trois ordres de ainsi que trois salles annexes, une par ordre pour que les députés puissent débattre et se mettre d’accord pour le vote par ordre.

Hôtel existe toujours de nos jours

Noblesse et clergé

Il fixe le règlement de la séance. 

Sur son ordre, les députés de la noblesse doivent être vêtus de noir et or, les députés du clergé garderont les vêtements religieux de cérémonie, le tiers état sera tout en noir.

Le 4 mai 1789, s’ouvre la première séance.

5 mai 1789

A son arrivée le roi est applaudi, la reine non.

Le discours du roi expose la situation catastrophique des finances du royaume, des coupes sombres à faire dans le budget, l’assujettissement des trois ordres au impôts, ainsi que l’amour du roi pour ses sujets et l’expression des représentants de la nation.

Ce discours très applaudi, fait penser aux députés du Tiers Etat que le vote par tête est possible.

Après le discours décevant de Necker où les députés ne voient rien qui annonce des réformes espérées, les dissensions éclatent très rapidement sur la manière de voter. Le clergé et la noblesse souhaitent que le vote ait lieu par ordre, ce qui leur assure la majorité ; le Tiers Etat réclame le vote par tête, ce qui lui assurerait l’égalité et que les débats aient lieu en commun. Le tiers état fait valoir qu’il représente à lui seul la Nation, et refuse ainsi de quitter la place. Le 10 juin, le tiers état, à l’initiative de Sieyès, invite les députés des deux autres ordres à les rejoindre. Certains d’entre eux, comme La Fayette et des clercs proches du peuple, s’unissent au troisième ordre. On assiste ainsi à une révolution à caractère juridique : la suppression des ordres, face au roi, auxquels se substitue une représentation nationale en une seule assemblée. Le groupe ainsi constitué se proclame donc Assemblée Nationale, sur la motion de l’abbé Sieyès, le 17 juin, car « il représente 96 pour cent de la nation », se donnant ainsi le pouvoir de consentir les impôts. Devant ce premier acte révolutionnaire, Louis XVI, fait fermer le 20 juin la salle des états généraux que préside Necker, sous prétexte de travaux.

Le Tiers Etat réclame le vote par tête

Sur la proposition du Docteur Guillotin, les députés ralliés au Tiers Etat cherchent une autre salle pour se réunir. Ce sera la salle du jeu de Paume à Versailles et aboutira au célèbre serment du Jeu de Paume.

« Nous jurons de ne jamais nous séparer et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’au jour où la constitution du royaume sera établie et affermie sur des fondements solides »

Ce serment constitue l’acte fondateur de la démocratie française.

Les noms de tous les députés présents

Les députés Paris hors les murs

Actuellement, dans la salle du jeu de paume à Versailles, on retrouve les noms de tous les députés présents, et une copie du  célèbre tableau de Jacques Louis David représentant ce moment :

Vous reconnaîtrez :

  • Bailly debout qui proclame le serment,
  • Robespierre
  • Mirabeau
  • La Fayette
  • L’abbé Grégoire
  • Le Docteur Guillotin moins célèbre pour ses déclarations pendant la révolution.

Une esquisse de ce tableau où les personnages sont dessinés nus avant d’être vêtus, est toujours dans les collections du château de Versailles.

Mais revenons à notre tableau

 Tout à droite, on voit Joseph MARTIN-DAUCH, recroquevillé sur sa chaise, les bras en croix. Il est le seul député à avoir voté contre le serment, laissons-lui la parole, il va se présenter et nous expliquer ses motivations et sa vie dans cette période troublée.

Joseph Martin Dauch

« Je suis né en 1741 à Castelnaudary dans la Sénéchaussée de Lauragais, sénéchaussée plutôt aisée plus connu sous le nom de pays de cocagne, aujourd’hui on parlerait plutôt du département de l’Aude. Mon père était conseiller du roi, lieutenant principal de la sénéchaussée, et propriétaire de domaines. 

Je fis des études sérieuses à Toulouse. En 1762, licencié ès lois, j’exerce les fonctions de propriétaire et légiste c’est-à-dire spécialiste des lois.

Je me lance en politique à l’âge de 48 ans en me faisant élire député aux Etats Généraux pour le tiers-état avec pour mandat : « Aviser et consentir à tout ce qui concerne les besoins de l’État, réformer des abus,  établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’Administration, prospérité générale du Royaume et bien de tous et de chacun des sujets du Roi. 

Ma petite célébrité commence le 20 juin 1789, lorsque tous les députés sont invités à venir signer le serment. L’appel se fait par bailliages, sénéchaussées suivant l’ordre alphabétique. À l’appel de mon nom, je me lève, m’avance et déclare refuser de signer. Je déclare :  La ville de Castelnaudary ne m’a pas envoyé pour insulter et déchirer la Monarchie ; je proteste contre le serment adopté.

On m’insulte, me traite de renégat, de traître. Des poings se lèvent, menaçants. Bailly me demande  de m’abstenir et de ne pas faire opposition au vœu de l’Assemblée. Je réponds que je ne peux jurer d’exécuter des délibérations qui ne sont pas sanctionnées par le Roi. Je signe en inscrivant près de mon nom : « opposant »

Camus se tourne vers l’Assemblée agitée et crie : « J’annonce à l’Assemblée que M. Martin-Dauch a signé : opposant ». Une rafale de cris et de poings levés me répond. Armé d’un poignard, un député s’avance pour m’assassiner. Un député du Lauragais, essaie de me protéger. Un huissier me prend le bras et me fait sortir par une porte dérobée.

Le lendemain je reçois la visite de Bailly qui essaie de m’amener à une rétractation. Je refuse. Le procès-verbal conclut : « L’opposant persiste dans son avis, et l’Assemblée arrête qu’on laissera sur le registre la signature pour prouver la liberté des opinions ». Quelques jours après, je reprends ma place parmi mes collègues et siège jusqu’à la fin de la Constituante avec la fuite du roi.

Le 14 septembre 1791, quand Louis XVI reparaît à l’Assemblée après sa fuite de Varennes, tous les députés avaient décidé de rester assis sur leur banc, la tête couverte de leur chapeau .Fidèle à mon roi je me lève seul et ôte mon chapeau pour lui rendre hommage.

Après cet affront, je me retire à Castelnaudary. Je me sens surveillé par le club révolutionnaire. Un soir, en rentrant chez moi, un sans-culotte tente de m’assassiner. Traqué, je pars me cacher, utilisant toute la vitesse de mon cheval. Dénoncé, je suis arrêté à Toulouse, emprisonné pour être guillotiné pendant cette période que les historiens appelleront la Terreur. Heureusement une erreur d’écriture me fera échapper à la mort. J’étais inscrit aux greffes de la prison avec pour prénom Martin et nom D’Auch au lieu de Joseph Martin-Dauch. Le Tribunal accordera la liberté à ce Martin inconnu, originaire de la ville d’Auch.

Ensuite je me désintéresse de la politique, je retourne à Castelnaudary  m’occuper de mon domaine familial. »

Il mourut célibataire le 5 juillet 1801 à l’âge de 60 ans.

Sénéchaussée du Laugarais

Annick et Cyprien Lefebvre